La seconde saison de la savoureuse série quasi-autobiographique d’Aziz Ansari est depuis hier disponible sur Netflix. D’abord délocalisée en Italie avant de faire son retour à New-York, cette nouvelle saison affirme un peu plus la douce folie contemporaine de son récit et la prodigieuse inventivité de son auteur.
Nous avions laissé Dev en pleine rupture avec Rachel à New-York, déprimé par les relations amoureuses et en plein doute sur son vocation d’acteur. Nous le retrouvons dès le premier plan du premier épisode de la deuxième saison. Un lent travelling révèle sa présence dans un grand lit, entouré de livres de cuisine et de DVD de classiques du cinéma italien ; La Dolce Vita, La Nuit, Le voleur de bicyclette. Mais le plus surprenant concerne l’image, en noir et blanc. On comprend bien vite que cette délocalisation italienne prend ici la forme d’un hommage à ces films, plus particulièrement au chef d’oeuvre néoréaliste de De Sica.
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Hommage au cinéma italien
Ce premier épisode multiplie un peu maladroitement mais avec un certain charme les références au Voleur de Bicyclette, que cela soit dans les personnages, les plans, la construction du récit (Dev se fait voler son portable et, accompagné d’un petit garçon, il tente de le retrouver) et même les dialogues. L’hommage au cinéma italien se poursuit ensuite avec des références à La Nuit de Michelangelo Antonioni et même à des œuvres plus contemporaines comme Journal intime de Nanni Moretti. Sur un ton comparable à celui des films de vacances de Julie Delpy, il égrène avec malice tous les clichés sur l’Italie, terre de savoir-faire culinaire, où le trentenaire new-yorkais reprend goût à la vie simple en apprenant à faire des pâtes, à parler la langue de Pétrarque et en roulant en vespa dans la campagne Toscane au son de Dolce Vita de Ryan Paris.
Mais cet éventail du pittoresque est vite replié pour replonger dans les thèmes forts qui ont fait le succès de la série ; la difficulté de communiquer à l’ère technologique, la solitude qui en résulte et les moyens de la combattre. Ici, l’amitié et la nourriture semblent être les solutions privilégiées par Aziz qui en fait le thème du second épisode, à nouveau en couleurs. La série rentre ensuite à la maison mais ne perd pas la dynamique instaurée dans ses deux premiers épisodes.
L’allégorie d’une certaine idée de l’existence contemporaine
Dans cette seconde saison, les ruptures de ton, de durée, de forme et de thème entre chaque épisode donnent à la série un aspect foisonnant, non-linéaire et totalement rafraichissant. Cette seconde saison contient plusieurs sommets d’audace formelle, comme dans l’épisode sur Tinder qui n’est qu’une longue suite de rencontres qui s’enchaînent dans un habile jeu de montage ou dans celui sur Thanksgiving où, après une émouvante suite de flash-backs sur son enfance, Denise annonce à sa mère : « Mum, I’m gay.« .
https://www.youtube.com/watch?v=tGE-Mw-Yjsk
Master of None n’est pas une série fondée sur ses situations, ses dialogues ou son récit, c’est une série entièrement dévolue à son (anti)héros. Son personnage de Dev devient l’attachante allégorie d’une certaine idée de l’existence contemporaine. Rompant totalement avec l’expression d’une virilité clichée, Dev affirme sa sensibilité et sa maladresse, parties émergées de l’iceberg de son désespoir et de ses doutes. Jamais piquant, sauf peut-être quand il traite des minorités, son humour emprunte plus que jamais le chemin d’une douce et subtile chronique des mœurs d’une société où nos smartphones n’ont jamais pris une place aussi importante et où il est devenu difficile de trouver sa place. Pas toujours maîtrisés mais totalement inventifs et drôles, les dix épisodes de cette seconde saison poursuivent l’oeuvre d’un des auteurs de série les plus singuliers du paysage contemporain.
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