[A l’occasion de l’arrivée de l’intégrale de « Malcolm » sur Amazon Prime Video, nous republions une archive datant de 2014] L’une des sitcoms les plus sous-estimées des années 2000 ressort en DVD, avec Bryan Cranston (« Breaking Bad ») dans le rôle qui l’a révélé.
Pour mettre la main sur des séries un tant soit peu « anciennes », les regarder dans l’ordre et éviter de se voir imposer un doublage français, le sériephile de Paris ou de Carcassonne n’a parfois aucune solution, pour peu que l’objet de son désir ne soit pas considéré comme un classique indispensable. Pendant très longtemps, il a été possible de trouver en France les intégrales des Soprano et du Prisonnier (joie !), voire de La Petite Maison dans la prairie (?), mais celle de Malcolm restait dans les cartons. Intitulée Malcolm in the Middle dans sa version américaine, cette sitcom a connu sept saisons sur la Fox entre 2000 et 2006 et pas mal de diffusions plus ou moins désirables sur M6, Paris Première et désormais W9. Miracle, le DVD de la saison 1 arrive enfin dans nos contrées.
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Cette sortie résulte apparemment de la fin d’un tunnel de soucis liés aux droits musicaux. On peut y déceler également un effet d’opportunisme. L’un des rôles principaux de Malcolm est en effet tenu par Bryan Cranston, que le monde associe désormais à son interprétation de Walter White, le psychopathe so hype de Breaking Bad. Il joue ici le rôle de Hal, un père de famille velu (hilarante première scène où sa femme lui rase tout le corps à la tondeuse) et en permanence décalé, dans une famille trop agitée pour lui. Une composition comique dans laquelle l’acteur excelle et qui lui a d’ailleurs valu une première reconnaissance publique aux Etats-Unis et trois nominations aux Emmy Awards.
Bonne nouvelle, la série vaut beaucoup plus que cet effet de curiosité. Son héros, Malcolm (Frankie Muniz), est un préado au QI de 165 qui se désole d’être placé dans une classe spéciale pour les génies. Coincé entre un petit frère et un grand frère plus communs que lui (le troisième est à l’armée), couvé par une mère au strabisme léger et aux habitudes étranges (comme celle de se balader topless quand elle range la lessive), le blondinet devrait se sentir invincible. Ce n’est évidemment pas le cas, même s’il montre constamment au spectateur son extrême compréhension des passions de la vie en s’adressant à la caméra – un tic de mise en scène aujourd’hui utilisé par House of Cards.
D’un niveau d’écriture assez impressionnant dans ses premières saisons, Malcolm a été créée par un homme au nom cartoonesque, Linwood Boomer, qui raconte ici sa propre histoire – il a été lui-même placé dans une classe pour surdoués. De Modern Family à The Middle (et avant elles Arrested Development), les bonnes sitcoms familiales d’aujourd’hui lui doivent quelque chose. S’il n’a pas tout inventé, Boomer a été l’un des plus obstinés à refuser le carcan des caméras multiples (Malcolm était tournée à une seule caméra, sans public) et à imposer à tout prix des héros bizarres, voire totalement imprévisibles. Il a rendu possible en tant que showrunner l’un des plus célèbres épisodes de comédie des années 2000 – Bowling, saison 2 épisode 20, – où l’action se déroule selon deux hypothèses : dans la première, Malcolm est accompagné par son père, dans la seconde, par sa mère. Un cours d’éducation comparée saisissant. Qui a dit que l’inventivité narrative était réservée aux grandes séries d’auteur ? Vue de 2014, cette sitcom presque toujours drôle frappe par la finesse et le sérieux avec lesquels elle travaille son thème principal, les freaks et autres inadaptés. Trop intelligents ou trop idiots, précoces ou puérils, parfois littéralement handicapés (le meilleur ami de Malcolm est en fauteuil), ses personnages toisent la ligne de démarcation entre dominants et dominés et envisagent férocement à chaque épisode les meilleurs manières de contourner la norme. Par les temps qui courent, c’est rafraîchissant.
Malcolm, saison 1, FPE, environ 30 €
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