“Mad Men” revient pour un dernier tour de piste, avec la deuxième moitié très attendue de cette septième et ultime saison. Chaque semaine, nous revenons sur le nouvel épisode de la série de AMC. Recap, 100% spoilers.
« This is the beginning of something, not the end” (“C’est le début de quelque chose, pas la fin.”). La force de persuasion de Don Draper devant les employés de Sterling Cooper, à qui il vient d’annoncer l’absorption définitive de leur entreprise dans le géant McCann Erickson, relève à peu près de zéro.
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Tout le monde sait que la fin est proche. Les uns et les autres se dispersent tandis que la caméra recule, laissant Joan, Don, Roger, Ted et Peter, les actionnaires, de plus en plus seuls. C’est l’ultime plan de l’épisode. Nous y sommes. Nous voilà parvenus à cet instant fascinant où comme toutes les grandes séries qui se terminent – trois épisodes restent à diffuser, Mad Men ne parle plus que d’elle-même. Chaque parcelle de son récit met en scène d’une manière ou d’une autre l’irréductible perspective du fondu au noir.
Time & Life – le titre de l’épisode, aussi épuré que programmatique – restera malgré tout comme l’un des plus événementiels et énergiques de cette dernière saison. Celui où on aura cru, dans un vieux réflexe d’admiration, que Don et ses amis se montreraient capables comme toujours de se dépêtrer d’une situation professionnelle compliquée, avant de se rendre à l’évidence : ils n’y arriveront plus. C’est pourquoi ils se laissent finalement séduire par une offre “impossible à refuser”, digne du Parrain. Celle-ci va faire d’eux les cadors de l’agence qu’ils sont priés d’intégrer en perdant leur nom.
Une histoire de « nom-dit »
Sterling Cooper n’existera bientôt plus. Pourtant, ce deuil-là n’aura mis que quelques scènes à être accompli. « What’s in a name ? » (« Qu’y a-t-il dans un nom ?« ) explique, tranquille, Don Draper, pour convaincre Roger Sterling que tout cela n’est pas très grave. Evidemment que tout cela est grave ou au moins définitif. Mais Don, lui, regarde déjà ailleurs. Il active à sa manière une recherche plus profonde. Elle le mène à frapper à la porte de Diana, la serveuse aussi abimée que lui qui demeure maintenant introuvable. Elle le pousse à vivre encore provisoirement dans son appartement sans meubles, comme un moine glamour en quête de simplicité.
La thématique de l’évidement – le monde se vide autour de Draper comme on vide un évier – traîne dans la série depuis plusieurs épisodes. Probablement une manière de faire place nette pour le bouquet final, dont on ne cherchera pas à anticiper le déroulement mais dont la clef pourrait se trouver dans le flirt de plus en plus lucide de Don avec la seule identité qui compte vraiment pour lui aujourd’hui, celle de son passé. Mad Men est depuis toujours une histoire de « nom-dit ». S’il n’en parle pas ouvertement, Dick Whitman, l’homme qu’il était avant de changer d’identité, plane comme un fantôme sur toutes les scènes. Quand Don trouvera un nouvel appartement, quel nom écrira-t-il sur le bail ?
Une histoire de non-mère
Au-delà de Don, la force de cet épisode a tenu à un mélange parfait de drôlerie (voire d’ironie féroce) et d’émotion. Pour la première fois depuis longtemps, le groupe des héros de Mad Men a fonctionné ensemble, offrant au fan démuni de voir l’affaire se conclure une récompense pour sa fidélité. Comme s’ils se faisaient notre relais, les uns et les autres ont éprouvé le besoin de se toucher, de se sentir et de se caresser. Belles scènes entre Joan et Roger, puis entre Roger et Don, ponctuées d’étreintes douces, et même d’un baiser entre mecs sur la joue. Cette tendresse à la fois surprenante et cohérente a fait son office. Matthew Weiner a peut-être trop de choses difficiles à nous montrer dans les prochaines semaines pour ne pas nous laisser profiter de quelques instants de lascivité.
Le sommet émotionnel de l’épisode n’était pourtant pas là, ce qui en situe le niveau. Dans une scène sublime, Peggy est revenue pour la première fois en profondeur depuis la quatrième saison sur l’enfant qu’elle a eu mais qu’elle n’élève pas. Au gré d’une de ces accélérations dont elle a le secret, Mad Men a soldé en quelques minutes plusieurs années de silence pesant.
Après un conflit avec la mère d’une enfant actrice venue pour un casting, Peggy raconte à son collègue Stan, le barbu au jean pattes d’eph’, qu’elle a eu un fils et n’avait pas d’autre choix pour poursuivre sa carrière que de l’abandonner – ceux qui ne s’en souviennent plus peuvent revoir les saisons une et deux. Il vit quelque part, elle ne peut pas savoir où. C’est sa croix mais aussi la condition de sa libération. A travers Peggy, Mad Men dévoile une fois de plus son essence : le mélange fluide d’un commentaire intime sur les êtres et leurs choix, doublé d’une vision finement politique de la société. Du grand art.
Mad Men saison 7, deuxième partie.
Le mardi à 22h15 sur Canal + séries.
Le jeudi à 22h55 sur Canal +.
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