L’auteur de Haute fidélité adapte avec finesse et profondeur un roman mettant en scène une jeune nounou à Londres dans les années 1980.
Concernant les séries anglaises et leur savoir-faire admiré, l’attention sériephile se porte principalement sur deux types de productions – en laissant de côté le cas Downton Abbey, qui s’est terminée en fin d’année dernière et dépasse toutes les analyses possibles par l’ampleur de son succès.
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Il y a d’abord les objets acérés, surprenants et potentiellement sauvages, comme ceux issus de Channel 4, historiquement la chaîne la plus novatrice en Europe (la liste est longue de ses créations mémorables, de Father Ted à Catastrophe, en passant par Skins, Queer as Folk, Utopia, Cucumber, Crashing…) que les spécialistes identifient en un clin d’œil. Ensuite, on trouve les thrillers de type Broadchurch, dont le monde a vu fleurir les remakes ou les copies plus ou moins inspirées depuis quelques printemps.
Reste enfin le cas BBC One. Puissante et constamment attentive à son propre renouvellement, la principale chaîne publique made in England repose sur deux joyaux maison patrimoniaux, Doctor Who depuis les sixties ainsi que Sherlock, adaptée avec style de Conan Doyle. Mais elle sait aussi produire des séries plus discrètes, voire ténues, dont l’ambition au-delà des frontières du royaume paraît mince. Leur spécificité culturelle vaguement excluante n’est certainement pas une raison suffisante pour les snober.
La toute fraîche Love, Nina ressemble à un cas d’école. Adaptée d’un roman de Nina Stibbe, cette comédie en épisodes de vingt-six minutes raconte l’arrivée d’une ingénue de 20 ans venue de Leicester (Faye Marsay) dans une famille bourgeoise de Londres, où elle est employée comme nounou à domicile pour s’occuper des deux enfants d’une éditrice (Helena Bonham Carter, de retour de l’oubli).
Nous sommes en 1982, dans une atmosphère tranquillement villageoise et isolée des fracas du monde, où les problèmes de bennes à ordures dominent les conversations du voisinage. Nina la “nanny” est un petit oiseau tombé du nid, vaguement inadapté à la société, qui aime par-dessus tout marcher pieds nus, y compris quand il pleut, c’est-à-dire souvent. C’est un personnage d’apparence légère, dont les mines étonnées peuvent tour à tour séduire et agacer. Mais la séduction l’emporte, tant la série dessine son portrait avec une délicatesse absolue.
Ici, un enfant parle de sa phobie d’une attaque nucléaire, un minuscule écart de langage provoque une discussion feutrée sur la sexualité, la meilleure façon de rire est évoquée. La vie avance en coulant lentement mais pas bêtement. Sur le modèle narratif du livre, l’action avance au gré de petites vignettes domestiques – repas, courses, conversation entre deux portes – qui n’ont l’air de rien. Ce rien n’est pas une défaite de la fiction, mais plutôt une douceur offerte au spectateur, qui s’invite dans le quotidien de personnages subtilement décalés. Une magnifique scène de rendez-vous amoureux dans le deuxième épisode en atteste.
Sans être un chef-d’œuvre, Love, Nina est la série la plus charmante qui soit. Elle ne demande qu’à prendre du corps au gré des quelques semaines de vie qui lui semblent promises – diffusée en Angleterre depuis le 20 mai, elle comptera a priori seulement cinq épisodes. Elle permet aussi de retrouver la patte fine et profonde de l’écrivain et scénariste Nick Hornby (Haute fidélité, Fever Pitch, About a Boy), seul en charge de l’écriture. Regarder ses créatures parler littérature, pop culture, féminité ou football d’un air détaché et circonspect reste une expérience rare et foncièrement attachante.
Love, Nina sur BBC One
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