Inventée par le couple Lesley Arfin et Paul Rust, produite par Judd Apatow, la série comique Love débarque courant février sur Netflix. Visite exclusive sur le tournage.
Le soleil tape fort ce 23 juin à Burbank, une petite ville du comté de Los Angeles, située à l’est de la vallée de San Fernando. Dans le studio de tournage de la série Love, une sorte de hangar réaménagé en station de radio, des techniciens s’activent pour préparer le set tandis que les acteurs se planquent à l’ombre pour affûter leurs vannes.
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Judd Apatow débarque à la coule sur le coup de midi, dans son habituelle panoplie de geek endimanché, chemise à carreaux et baggy informe. Il salue les membres de l’équipe et file en salle de montage vérifier les rushes de la veille. “Il n’arrête pas en fait, il vient tout le temps sur le tournage pour contrôler des points de détail, réviser le script ou parler avec les auteurs”, s’étonne l’actrice Claudia O’Doherty.
Judd Apatow, quinze ans après
C’est que le moment est capital pour Judd Apatow : avec ce nouveau projet, il effectue son grand retour à la télé en tant que créateur et producteur, quinze ans après l’annulation de sa mythique série Freaks and Geeks et sa fausse suite, Undeclared (Les Années Campus).
“Je ne vais pas mentir, c’est un énorme soulagement, lâche le patron de la comédie US, légèrement revanchard. Depuis toutes ces années, il ne s’est pas passé un jour sans que je ne repense à Freaks and Geeks. J’ai bien tenté de revenir à la télé, mais je me suis à chaque fois heurté à un mur.” Judd Apatow insiste :
“On me disait que j’échouais parce que je voulais fabriquer des séries avec les méthodes des films indés. Or toutes les chaînes vantent ce modèle aujourd’hui : elles veulent des shows libres, audacieux, qui inventent des univers singuliers.”
Pour revenir dans le circuit de la télé américaine, Judd Apatow s’est entouré de deux jeunes auteurs qui montent : Lesley Arfin et Paul Rust. La première, pure socialite new-yorkaise de 36 ans, s’est fait une réputation en écrivant des épisodes de Girls (la série de Lena Dunham, produite par Apatow) et de Brooklyn Nine-Nine.
Le second, scénariste et acteur de stand-up au look de nerd binoclard, a imposé son humour absurde sur la chaîne Comedy Central et multiplie les petits rôles alimentaires au cinéma.
“On a commencé à écrire la série comme une simple blague” Paul Rust
Ces deux nouvelles sensations d’Hollywood forment un couple depuis plus de quatre ans. Love s’inspire de leur histoire : “Un soir, sans doute parce que l’on s’ennuyait, on a commencé à écrire la série comme une simple blague, un truc pas sérieux où l’on raconterait notre vie de couple en partant du moment de notre rencontre”, rembobine Paul Rust autour d’un café entre deux prises.
“Et puis, le scénario a pris forme, on s’est rendu compte avec Lesley que l’on tenait un truc marrant et original. Je connaissais déjà bien Judd Apatow à l’époque, alors je lui ai parlé de cette idée et il nous a dit : ‘OK, je vais vous aider, c’est mortel.”
Emballé par le projet, l’auteur de Funny People a fait la tournée des chaînes pour produire le show, tandis qu’il accompagnait étape par étape le processus de création de la série.
“L’histoire d’une relation normale entre un mec et une fille ordinaires”
Pendant plus de cinq mois, Apatow et ses disciples se sont donc réunis chaque jour pour peaufiner le scénario de Love, qui met en scène la rencontre amoureuse entre deux losers de Los Angeles, elle jeune animatrice de radio, lui scénariste en quête d’un job. “L’histoire d’une relation normale, entre un mec et une fille ordinaires, résume Lesley Arfin, qui insiste sur le réalisme de la série.”
Pour elle, “les comédies romantiques inventent toujours des récits délirants dans lesquels personne ne peut se reconnaître. Nous, avec Love, on voulait partir des situations les plus communes, s’interroger sur la notion de couple, sans rien édulcorer.”
“On s’est inspiré de notre expérience, et l’on s’est posé des questions simples : comment est-ce que l’on tombe amoureux dans les années 2010 ? Quel est notre rapport au sexe, à l’avortement, aux vieux modèles conjugaux ?”
“On n’a rien contre cette tendance, mais il n’y aura aucune ironie dans notre série” Paul Rust
Surtout, les créateurs voulaient prendre leur distance avec la nouvelle mode des anticomédies romantiques, ces love stories postmodernes qui s’amusent à détourner les codes du genre, telles You’re the Worst (Stephen Falk, 2014) ou Casual (Zander Lehmann, 2015).
“On n’a rien contre cette tendance, mais il n’y aura aucune ironie dans notre série, revendique Paul Rust. En discutant avec Judd Apatow, on a vite compris que l’on avait envie d’une approche plus pure et premier degré de la comédie romantique. Ça donne le ton particulier de Love, qui n’est pas une sitcom basée sur les simples vannes, mais plutôt une dramedy.”
“Explorer cette histoire de couple à chaque étape de son évolution”
Un autre facteur permettra à la série de se distinguer du reste de la comédie US : le temps. En signant un accord avec la chaîne payante Netflix pour deux saisons, de dix épisodes chacune, les créateurs se sont offert le luxe de développer leur show sans contrainte d’agenda ni d’efficacité.
Judd Apatow y a été particulièrement sensible : “C’est un modèle de production génial, s’enflamme-t-il. Dès la première phase d’écriture, on savait que l’on pouvait se projeter sur une vingtaine d’épisodes sans courir après les audiences. Alors on a fait le pari du long cours, on a voulu explorer cette histoire de couple à chaque étape de son évolution.” Apatow ajoute :
“Dans une comédie romantique pour le cinéma, qui dure maximum deux heures, la scène de la rencontre va être expédiée en cinq minutes, et on va passer à la première engueulade, puis aux retrouvailles. Nous, on peut se permettre de consacrer deux épisodes pour décrire la rencontre des personnages.”
Sur le plateau, cette liberté de production se fait sentir à chaque instant : dans leur petit studio de Burbank, acteurs et techniciens forment une joyeuse bande rapprochée, multipliant les prises à la recherche de la meilleure vanne et de la scène la plus précise.
“Ça ne ressemble à aucune comédie télé. On s’en fout de la technique, du rendement des blagues. Ici, on gomme tous nos réflexes d’acteurs et on cherche à capturer la scène la plus réaliste, sincère possible”, nous souffle Gillian Jacobs, la bombe comique révélée dans Community, qui tient ici le premier rôle féminin face à Paul Rust. Elle est déjà l’une des promesses les plus emballantes de Love, la série qui rendra 2016 cool et romantique.
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