La rencontre amoureuse comme éternelle digression : Love, la nouvelle série de Judd Apatow, fait du bien.
Netflix s’est lancée sérieusement dans la production originale de séries il y a déjà trois ans, arrosant les écrans mondiaux avec House of Cards. Depuis, impossible de déceler une vraie ligne directrice dans ses choix. De Narcos à Arrested Development en passant par Master of None et Jessica Jones, la plate-forme de streaming américaine vise large.
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Dans un monde où les spectateurs sont éclatés entre niches plus ou moins vastes, la solution paraît cohérente. Les mauvaises langues diront qu’on ne construit pas un empire avec des algorithmes (base du système de recommandation de Netflix) mais, en attendant, les ordinateurs ont décidé de proposer les dix épisodes d’une première saison totalement singulière.
Retour à la télévision
Love arrive munie d’un sceptre qui pourrait la protéger de tout : la signature de Judd Apatow, créateur de la série avec Lesley Arfin et Paul Rust. Alors que Freaks and Geeks et Les Années campus appartiennent à une autre époque, le réalisateur de 40 ans, toujours puceau confirme son retour à la télévision si on ajoute ses fonctions de producteur délégué sur Girls.
Mais si cette dernière appartient presque totalement à sa créatrice Lena Dunham et ressemble à un subtil pas de côté dans la carrière du cinéaste, Love possède son ADN typique de comédie romantique contrariée. Apatow a d’ailleurs coécrit la plupart des épisodes.
Joies contrastées de la vie de célibataires hétérosexuels
La série emprunte les trajectoires croisées de Mickey (Gillian Jacobs, adorée depuis Community) et Gus (Paul Rust, auquel il faut un moment pour s’habituer). En quelques minutes, ces deux oiseaux tombés du nid perdent à peu près tout ce que la vie leur offrait d’amour et de contact physique agréable avec l’autre sexe. Contraints et forcés, ils s’apprêtent à goûter aux joies contrastées de la vie de célibataires hétérosexuels dans la jungle semi-urbaine de Los Angeles.
Le fait qu’ils tombent l’un sur l’autre, un beau jour, ne leur met que très modérément la puce à l’oreille. Il faudra patienter un peu, voire beaucoup, pour que la rencontre ait vraiment lieu. Le problème ? Ils n’ont que très peu de choses en commun : simplement leur solitude, leur extrême disponibilité. La qualité première de la série se trouve là. Elle permet des réactions a posteriori, prend le temps nécessaire pour que les situations infusent dans le cerveau et le corps de ses personnages, ne leur impose rien.
Livre ouvert à compléter
Par extension, Love n’impose rien au spectateur non plus.Elle avance au rythme de ces deux trentenaires placés à un tournant de leur vie, parfois incapables de formuler leurs désirs. Merci de ne pas crier à l’ennui au premier flottement venu. Paradoxe implacablement logique venant d’un maître du récit comme Apatow, le scénario n’est ici jamais un cadenas narratif, plutôt un genre de livre ouvert à compléter.
Soit une manière allusive de nous faire accepter la vie avec Gus et Mickey en même temps qu’ils se découvrent. Dans les séries actuelles souvent obsédées par la maîtrise et soumises à la dictature des “événements”, cette douce flexibilité n’a pas de prix.
La vie dans le Love-monde est faite d’incessantes déviations, d’ellipses étranges,de longs moments de continuité aussi, de crises et de réconciliations forcément bordéliques. Le tout dans une certaine simplicité. Dans le ton, cela la rapproche parfois d’une autre indie-série délicate, Togetherness, qui reprend d’ailleurs cette semaine sur HBO et avec laquelle elle partage Jay Duplass, crédité comme réalisateur d’un épisode. Le monde est à Mickey et Gus, les autres en face sont jaloux.
Love saison 1, dix épisodes le 19 février sur Netflix
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