La série comique du rouquin américain Louis C.K. dépasse toujours le reste du troupeau haut la main. La preuve avec sa cinquième saison.
C’est un homme seul et pourtant admiré, suivi, copié, peut-être le plus acclamé de la galaxie comique aujourd’hui. De ses confrères américains au moindre aspirant stand-up comedian de la province française, nulle âme fascinée par la blague n’ignore l’existence de Louis C.K. Le rouquin de 47 ans s’est fait un nom aux Etats-Unis avant de clignoter sur tous les radars grâce à sa série Louie, dont la cinquième saison est en cours de diffusion. La meilleure dans son genre ? Sans doute. Mais qui se soucie des hiérarchies concernant un tel animal ? Ce drame humoristique à la fois fou et maîtrisé crée une galaxie en soi, voire un univers, qu’on aime habiter à intervalles les plus réguliers possibles. Disons que la concurrence n’existe pas.
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Le monde, lui, palpite à chaque plan de ces épisodes au format sitcom, entre vingt et vingt-deux minutes chrono, modèles de concision vagabonde. Depuis le début, l’auteur-réalisateur-monteur-comédien se met en scène dans un rôle de comique père de famille divorcé et bedonnant, à travers des situations quotidiennes plus ou moins délirantes. Il y a deux saisons, Louie – le personnage – mettait en crise Louie – la série – et cédait à la tentation de la fugue. On le voyait imaginer quitter New York pour remplacer un célèbre animateur de talk-show et s’entraîner à Los Angeles sous les auspices de… David Lynch. Cette filiation pouvait sembler bizarre. Quel rapport entre le maître de la blague gênante mais sincère et le gourou du cinéma déphasé en prise directe avec l’imaginaire ? Comment un amuseur angoissé post-Woody Allen pouvait-il discuter avec la figure tordue de Twin Peaks ?
Un errant à travers un océan de cauchemars
Plusieurs années plus tard, tout semble logique. Les sept premiers épisodes de la cinquième saison – ceux que nous avons pu voir avant d’écrire ces lignes – confirment une tendance à l’étrangeté qu’il suffisait sans doute de remarquer avant. Dans l’incroyable épisode 5, une forme de dépression s’empare de Louie et lui fait perdre le sens de la réalité. Il devient une sorte d’errant à travers un océan de cauchemars qui s’enchaînent, peuplés de créatures plus ou moins maléfiques. C’est ainsi que se règle une rupture – survenue à l’épisode précédent – dans cette série où rien n’est laissé sur le bord du chemin en cours de route, mais où toutes les résolutions arrivent par des biais détournés et néanmoins limpides. Autofiction stylisée, Louie enchevêtre avec un brio fou une assise réaliste (comment survivre quand sa génération n’est plus aux commandes de la nouveauté dans le monde ?) et les saillies les plus intimes qui soient sur la sexualité, les rapports familiaux, la frustration de n’être que ce qu’on est.
Ce qui au fond remue Louie (et le fait avancer autant que stagner), c’est l’exigence de vérité qu’il a avec lui-même. S’il s’ennuie, il le dit, se foutant des conséquences. S’il est excité, il l’exprime, même s’il doit s’en mordre les doigts quelques minutes plus tard. Cet homme rentre dans le présent tête baissée et prend à bras-le-corps ses fantasmes et terreurs personnelles sans beaucoup de filtres. Son identité s’en trouve constamment secouée. Confronté à l’altérité – un frère en pleine lose, un chauffeur trop collant, lui-même maquillé comme une femme, etc. – il ne peut s’empêcher de l’embrasser à sa manière rustre mais toujours profonde. Rien ne rebondit sur Louie, au contraire. La comédie, ici, part de l’idée que l’interaction avec le réel est obligatoire, même si celui-ci n’est jamais très conciliant, voire totalement anxiogène. On connaît peu d’œuvres aussi libres, tous domaines confondus.
Louie saison 5 sur FX, prochainement sur OCS City
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