Après Rome, c’est au tour de l’Antiquité grecque d’inspirer une série. Coproduite par Arte, Odysseus évoque la figure d’Ulysse plongé dans les affres du retour dans son île. Un huis clos comme un « Lost » antique.
Le long voyage du retour d’Ulysse vers son île Ithaque, où l’attendent sa femme Pénélope et son fils Télémaque, forme le coeur de l’Odyssée, oeuvre maîtresse d’Homère, matrice de tout récit d’initiation. S’inspirant de cette trame mythique, la série française Odysseus, produite par Arte avec des Italiens et des Portugais, opère un déplacement audacieux, en s’intéressant moins au destin exclusif d’Ulysse qu’à la communauté délaissée d’Ithaque, où se déchirent les prétendants à la succession du roi errant.
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Ce déplacement s’opère à la fois dans le temps (la série imagine la vie de l’île après le retour d’Ulysse, moment où s’achevait le texte d’Homère) et dans l’espace (tout se passe à Ithaque, filmée comme un huis clos, comme si les personnages d’un Lost antique en étaient les prisonniers). Les douze épisodes de cette fresque se déploient donc moins autour de l’aventure d’un héros solitaire qu’autour du destin d’un collectif fébrile… Ulysse reste le pivot du récit mais il existe surtout en creux : son absence puis son retour en grâce n’ont de sens que dans les effets qu’ils produisent sur les autres personnages, dont Homère lui-même, présent ici dans l’ombre du roi.
http://www.youtube.com/watch?v=RLDp7RIeETI
Créée par Frédéric Azémar, auteur de la série Un village français, écrite avec une dizaine d’auteurs (Frédéric Krivine, Olivier Kohn, Zina Modiano, Flore Kosinetz…), Odysseus joue de cette dialectique subtile entre hommage et infidélité à un texte fondateur qui devient surtout prétexte à un pur soap, composé d’ingrédients obligés (amour, gloire, beauté, trahison…), entrelacé aux codes de la tragédie, dont la figure du père idéalisé et contesté reste la clé décisive.
Les plages d’Ithaque au VIIIe siècle avant Jésus-Christ ne sont pas si éloignées de celles de Newport Beach ou de Lost des années 2000. Par-delà les contextes historiques, les passions humaines se cristallisent autour de figures assez proches ; si les décors, les costumes et les mots changent, les esprits restent habités par les mêmes tourments et les mêmes travers. De sorte que l’on retrouve ici des éléments communs à toutes les séries contemporaines revisitant l’Antiquité (Rome), le Moyen Age (Game of Thrones) ou l’âge du western (Deadwood), ne serait-ce que dans la dimension épique et combative de héros animés de pulsions guerrières, sexuelles et mystiques.
Pour autant, et malgré l’évidente intention de conférer au récit un souffle romanesque, la série reste étrangement un peu atone, surtout dans ses quatre premiers épisodes, comme si la partition écrite était plus ambitieuse que son accomplissement parfois laborieux. Si les acteurs habitent leurs personnages de notes assez justes (Niels Schneider en beau Télémaque, Caterina Murino en Pénélope sexy dans ses robes décolletées en mousseline de soie, Joseph Malerba, Frédéric Quiring, Carlo Brandt…), si les décors dépouillés des palais et des rues d’Ithaque s’ajustent bien au désordre intérieur des personnages, la série souffre d’un paradoxal effet d’aridité. Le récit peine à décoller, trop englué dans l’attentisme qu’il est censé illustrer. L’absence du père génère un manque de vie à l’écran.
Mais il suffit du retour d’Ulysse pour que s’enclenche enfin la mécanique, délestée de sa tiédeur première. La sécheresse un peu bavarde s’efface à mesure que la fresque progresse et que les personnages se densifient. Le réalisateur Stéphane Giusti capte bien les atermoiements de ses personnages, filmés au cordeau, dans un village grec où la guerre des affects sévit aux airs d’un chant lyrique, revisité à travers un singulier enchevêtrement de panache et de préciosité.
Jean-Marie Durand
Odysseus tous les jeudis du 13 juin au 11 juillet, 20 h 50, Arte
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