Avec ses cheveux longs, sa Harley-Davidson et son goût pour la castagne, Lorenzo Lamas fut l’un des personnages les plus marquants de la télévision des années 90 dans Le Rebelle. Disparu des radars depuis la fin de la série, l’acteur a connu la faillite, les auditions foirées et les divorces calamiteux. Aujourd’hui pilote d’hélicoptère, l’ancien prince de la télé nous raconte sans filtre sa vie chaotique.
« Il était flic et il faisait du bon travail. Mais il avait commis le crime le plus grave, en témoignant contre d’autres flics qui avaient mal tourné. Ces flics avaient tenté de l’éliminer mais c’est la femme qu’il aimait qui avait été touchée. Accusé à tort de meurtre, il rôdait maintenant du côté du Dakota. Un hors-la-loi poursuivant les hors-la-loi, un chasseur de primes, un renégat« . N’importe quel kid des années 90 a déjà entendu ces phrases, prononcées en introduction du générique de la série Le Rebelle. Sur l’écran, un mec chevauchant une Harley-Davidson s’avançait alors sous un coucher de soleil, un lonesome cowboy des temps modernes prêt à faire régner la loi avec sa sulfateuse et ses deux pieds. Lui, c’était Lorenzo Lamas, aka le rebelle, un type aux cheveux longs et au torse bombé qui distribuait des patates et emballait les filles avec son vieux complice indien, Bobby. Pendant cinq ans, de 1992 à 1997, l’acteur incarna cette figure de justicier adepte du Taekwondo et inscrivit son nom au panthéon des minuscules icônes de la télévision nineties, pas loin d’Adrian Paul (Highlander).
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Quasi inconnu avant le début de la série, Lorenzo Lamas devint un héros de cinéma d’action, le petit prince télé d’un monde où les rois s’appelaient Jean-Claude Van Damme ou Steven Seagal. En marge de sa série, cet héritier d’une grande famille d’acteurs d’origine argentino-américaine imposa aussi son style dans les bacs vidéo, multipliant avec un appétit d’ogre les séries B foireuses façon Gladiator Cop ou Police Future. La vie était douce, l’argent coulait à flots. Mais le monde allait bientôt basculer dans une nouvelle ère : à la fin de la série Le Rebelle, le cinéma d’action américain s’effondre et la télévision s’apprête à connaître son âge d’or, où les héros s’appellent désormais Soprano. Sans perspectives professionnelles, Lorenzo Lamas se retrouve au pied du mur, obligé de faire un détour par la musique ou de cachetonner dans les séries Z pour maintenir son train de vie, tandis qu’il accumule les divorces et les dettes. La descente est rude.
Près de quinze ans après la fin de sa série, il faut donc se rendre dans un petit aéroport de la banlieue de Los Angeles pour prendre des nouvelles de l’acteur. C’est ici qu’il travaille aujourd’hui, en tant que prof et pilote d’hélicoptère touristique. Débarrassé de ses légendaires cheveux longs, mais toujours aussi affuté, Lorenzo Lamas nous y accueille dans son petit bureau, une pièce aux murs gris éclairée par des néons jaunes. Voix posée, regard fixe et ton ferme, il nous raconte ses moments de gloire hollywoodienne et son inévitable déclin, ses problèmes de fric, sa mise au ban de l’industrie et ses ratés personnels. Il le fait sans rancœur ni apitoiement, avec la lucidité d’un type qui sait que son heure est passée, qu’il ne vivra plus jamais l’euphorie des 90’s. Un type qui n’a pas volé son blase de rebelle.
C’est étonnant de vous retrouver ici au milieu de tous ces hélicoptères…
Je pilote des hélicos depuis 2001 en vérité. Ça a commencé comme une simple passion, quelque chose que j’aimais faire entre deux tournages de film, et maintenant je l’envisage de plus en plus comme une future carrière. J’organise des vols pour des particuliers et je donne des cours de pilotage à des apprentis. Les prochains mois vont être agités : avec l’arrivée de l’été, des gens vont venir de partout pour visiter Los Angeles, voir les maisons des stars, aller à Disneyland ou à Malibu. Ce genre de trucs.
Vous y consacrez la majeure partie de votre temps ?
Oui depuis l’année dernière. Je suis salarié en tant que pilote dans cette compagnie. Mais je fais mon propre marketing. On a un deal un peu particulier avec cette boîte : ils savent qu’ils ont un avantage à m’avoir dans l’équipe, étant donné mon passé de star. Ils ont compris que je pouvais leur amener un tas de nouveaux clients. D’autant que je n’ai aucun souci à aller chercher des gens dans des hôtels de luxe en leur disant : « Hello, je suis Le Rebelle, et je vais vous faire visiter la ville en hélicoptère« . Je n’ai pas de problème d’égo. Et puis je commence dans un nouveau job donc je dois faire profil bas. Le pilotage c’est comme n’importe quel business : tu dois faire des efforts, fermer ta gueule au départ, et assumer certains sacrifices. Le futur, pour moi, ce serait d’organiser des tours d’hélicoptère à Hawaï. Ou alors de mettre mon talent de pilotage au service des films. D’être un genre de cascadeur. Le mec en hélicoptère qui va suivre la voiture de Dwayne Johnson lancée à toute vitesse dans Fast and Furious.
Vous en avez donc fini avec le métier d’acteur ?
Laisse-moi te dire un truc. Un acteur n’arrête jamais sa carrière. On l’arrête pour lui. Voilà la réalité. Un acteur est toujours dépendant des autres. Et moi plus personne ne voulait me donner de boulot. Si tu regardes bien, le cinéma et la télévision ont beaucoup évolué ces dernières années. Ils n’ont plus eu besoin du genre d’acteur que je représente. J’étais une action star des années 90, et puis les années 2000 sont arrivées et tout a changé. Ils ont supprimé les séries comme Alerte à Malibu, Highlander ou Le Rebelle. Notre époque était finie. Qu’est-ce que je pouvais faire contre ça ? Rien. Alors je me suis retrouvé il y a quinze ans sans aucune proposition, et j’ai commencé à envisager d’autres possibilités, comme la chanson. J’avais enregistré quelques singles pop dans les eighties, et je me suis dit que ça pouvait peut-être marcher à nouveau. Vers 2001, j’ai créé un spectacle, où je chantais des classiques américains comme ceux de Tony Bennett et Frank Sinatra, en jouant un peu la comédie entre chaque morceau. J’allais dans les night clubs et je faisais 15 à 20 chansons par soir, et puis je repartais sur la route vers une autre ville. Ça a duré pendant quelque temps mais bon, ça n’était pas un grand succès.
Pourtant vous avez continué à jouer dans des films au cours des années 2000. Beaucoup même…
Je n’ai jamais complètement abandonné. Mais soyons honnêtes, les films dans lesquels j’ai joué ces quinze dernières années sont de très, très petits budgets. Des trucs pas sérieux. Et puis je n’avais pas un vrai rôle. Quand je fais des films comme Raptor Island (une série Z où il incarne un militaire américain débarqué sur une île mystérieuse pleine de dinosaures, inédite en France, ndlr), je n’ai pas un rôle très conséquent à jouer. De toute façon, on ne m’offre plus les têtes d’affiche. Elles vont pour les petits jeunes, les mecs aux dents longues de vingt ans qui débarquent dans le métier et qui ont la cote. Moi je ne suis plus qu’un figurant, un mercenaire. J’arrive quelques jours sur les tournages, je prends mon chèque et puis je rentre chez moi. Sauf qu’il arrive un moment où ça ne suffit plus à payer mes factures.
Vous restez combien de temps en moyenne sur un tournage ?
Ça dépend, mais pour un film comme American Beach House (une comédie pour teenagers, inédite en France, ndlr), j’ai eu cinq jours de travail, pour lesquels j’ai gagné 10 000 dollars. C’est beaucoup tu me diras pour cinq jours de boulot, sauf que je ne fais que deux ou trois films par an. Le plus souvent deux. Et j’ai toujours une fille adolescente à nourrir, des factures à payer, le loyer de mon appartement sur Beverly Hills. Tout un tas de dépenses qui font que j’ai une vie chère. La vérité, c’est que mes revenus n’ont pas cessé de baisser au fil des années. Avant, j’étais une putain de star de la télévision, je gagnais des revenus astronomiques. Maintenant, je dois me faire 5 voire 10 % de ce que je palpais à l’époque. Je ne suis même plus propriétaire de ma maison, j’ai pris un appartement en location, tu vois le tableau. Mais je n’ai pas pour habitude de pleurer sur mon sort. Quand la situation est devenue compliquée, je me suis dit qu’il fallait faire quelques réajustements dans ma vie. D’où le truc des hélicoptères. Je dois désormais faire quelque chose de concret pour gagner du fric. Le pilotage ne me permet pas encore de faire rentrer beaucoup d’argent mais en insistant, en multipliant les heures je sais que j’y arriverai.
(À cet instant, deux jeunes mecs employés de l’aéroport franchissent la porte du bureau. Ils passent devant nous sans s’arrêter, quand l’un d’eux jette un regard condescendant à Lorenzo Lamas et lui dit: « Hey, ça va le Rebelle ? Tu fais des interviews au boulot maintenant ?« . L’acteur se force à sourire…)
Continuez-vous malgré tout à passer des auditions pour le cinéma ou la télé ?
Non, j’ai arrêté quand j’ai décidé de piloter des hélicoptères. Je ne peux pas m’engager dans ce boulot et dire un jour à mon patron « Désolé mec, mais on vient de m’appeler je dois filer à une audition, je reviens dans deux heures« . Pour rester dans le circuit des castings, il faut être tout le temps disponible.
Donc c’est aussi votre choix, vous avez aussi décidé de vous retirer du métier d’acteur ?
C’est en partie mon choix, mais pour être parfaitement honnête avec toi, la plupart des auditions que je passe depuis les années 2000 se soldent par des échecs. Il y a tant d’acteurs aujourd’hui dans le milieu, des gars qui sont plus jeunes que toi, plus branchés. Je ne peux pas lutter. Quand un directeur de casting m’appelle aujourd’hui pour passer une audition, c’est qu’il a déjà un autre acteur en tête, et qu’il veut juste lui mettre un peu la pression. C’est ça la vérité. Je ne sers que de pion dans la stratégie des directeurs de casting. Alors toi tu y vas, t’apprends ton texte, t’es content, tu réussis ton audition, et tu apprends quelques jours plus tard qu’en fait ils avaient déjà choisi leur acteur. Pendant quelque temps j’ai continué à passer des castings malgré tout, mais les rôles que je dégotais ne me suffisaient pas pour vivre. J’ai eu une époque très compliquée, crois-moi. J’ai été obligé de demander de l’argent à des amis à droite à gauche, et personne ne veut en arriver là. Donc l’année dernière je me suis dit « ok, j’arrête de faire le con et d’attendre qu’on m’appelle. Je retourne au charbon« . Et tu veux savoir le plus drôle ? Le jour où je me lance dans ce business des hélicoptères, mon téléphone sonne et on me dit que je vais être dans une émission de télé! J’apprends que je suis sélectionné pour The Celebrity Apprentice (une télé-réalité diffusée depuis le 4 janvier 2015 sur NBC où des personnalités plus ou moins connues assurent des petits jobs pour des associations caritatives dans le building du milliardaire Donald Trump, ndlr). Qui sait, peut-être que cette exposition médiatique relancera enfin ma carrière !
J’ai lu que vous aviez aussi eu quelques soucis avec le fisc…
Tu peux le voir. Regarde où je suis aujourd’hui. Dans quelles conditions je travaille. J’ai dû me mettre en faillite personnelle en avril dernier. C’est difficile parce que tu attends toujours le moment où on va te proposer un rôle qui va te sauver. Mais ce jour n’arrivait pas. Et plus j’attendais, plus je sombrais financièrement. Les compagnies à qui je devais de l’argent m’appelaient tous les jours, j’étais dans un stress permanent. Ma dernière bonne année financière a été 2001, et puis j’ai divorcé. J’ai dû donner un paquet de fric à mon ex-femme. J’avais un demi-million de dollars en banque, elle a pris 250 000. Le reste m’a servi à régler mes dettes : je devais finir de payer mon bateau, mon avion, ma maison d’un million de dollars à Los Angeles. Tout est parti en fumée. Je n’avais plus rien. De nouvelles dettes se sont accumulées année après année, quand mon avocat a fini par me dire : « mets-toi en faillite personnelle« . C’était bien ce qu’il y avait de mieux à faire : je peux maintenant recommencer à dormir.
Aviez-vous malgré tout encore un désir pour le cinéma ces dernières années ?
Oui mais le cachet était prioritaire. Je prenais tout ce que l’on me proposait. Quand je fais Mega Shark vs. Giant Octopus (un film catastrophe avec requins et pieuvres géantes, ndlr) je sais que c’est un navet. C’est Asylum, la société de production qui avait fait Sharknado qui m’a proposé ce rôle. Dans mes années de succès ça aurait été impensable pour moi de faire ce type de film, mais j’ai l’impression qu’il y a un public pour ça aujourd’hui. Des gens qui achètent ce genre de navet pour se marrer. Mon pote Ian Ziering (l’acteur qui incarnait Steve Sanders dans la série Beverly Hills 90210, ndlr) a joué dans Sharknado d’ailleurs, et lui en est fier. Il en parle tout le temps. Lui et moi avons eu des carrières très similaires au fond : on a eu de la réussite dans les années 90, et des moments plus compliqués ensuite.
Justement, parlons un peu des années 90. Quel souvenir gardez-vous de votre époque de succès ?
C’était génial… J’avais des tonnes d’argent, ma carrière était épanouissante. Bon, d’un autre côté, ma vie personnelle était merdique. J’étais dans un mariage horrible. Il y a toujours eu un truc qui déconne dans ma vie : je ne pouvais pas avoir de la réussite professionnelle et sentimentale en même temps. Il fallait qu’un truc ne marche pas. Mais à cette époque j’avais tellement de succès que ça compensait. Tu ne peux même pas imaginer le fric que j’ai dépensé. J’ai acheté un avion. Un avion à un million de dollars putain. Je le prenais seulement deux fois par mois pour aller à Santa Barbara manger un burger. Un million de dollars pour un burger. Et maintenant j’ai dû retourner en formation pour apprendre à des mecs à piloter des hélicoptères. Tu vois l’ironie ? J’étais dans un autre monde à cette époque. J’étais un acteur épanoui, je tournais dans des films, j’avais une série qui cartonnait à la télévision, et je croyais que rien ne pouvait m’arriver, que ça ne s’arrêterait jamais. J’y repense maintenant et je me dis: « Mais quel idiot tu es putain. Pour qui te prenais-tu ? Tu croyais que tu étais Tom Cruise peut-être ? »
Comment l’expliquez-vous ? Vous étiez mal conseillé ? Vous aviez de mauvaises fréquentations ?
Non j’assume seul mes erreurs. Tu sais, je n’étais pas le genre de type qui faisait n’importe quoi, qui traînait avec les mauvaises personnes. Je ne me suis jamais laissé trop attirer par le vice d’Hollywood. Au contraire, j’étais plutôt du genre sérieux, très bosseur. Pendant le tournage du Rebelle, je me levais tous les matins à six heures et j’assurais. Après, bien sûr, j’ai fréquenté le monde de la nuit et ses excès. Il m’arrivait d’aller en soirée, de me droguer comme tout le monde à cette époque. Mais sans abus. Mon ex-femme était une playmate (Shauna Sand, ndlr), donc je l’accompagnais presque toujours à la Playboy Mansion, où j’ai vu des trucs fous. Tout ce que tu peux imaginer de plus dingue et crade arrivait là-bas. Je me souviens surtout des soirées «Midsummer Night’s Dream». Ça baisait dans tous les coins.
Et vous étiez de la partie ?
J’ai été marié quatre fois dans les années 80 et 90, mais entre-temps j’ai réussi à prendre mon pied. À l’époque où j’habitais sur Sunset Strip, je sortais tous les soirs et j’étais très actif sexuellement. Je ramenais une fille, voire plusieurs, chaque nuit. En ce temps-là tu pouvais faire tout ce que tu voulais, avec qui tu voulais. Je suis chanceux au final de ne rien avoir chopé, de ne pas m’être attrapé une sale maladie. C’était l’époque juste avant le Sida. Rien que d’y repenser, aujourd’hui, ça me fait transpirer.
Quel était votre lien avec les autres stars du cinéma d’action à l’époque du Rebelle ?
J’étais proche de Jean-Claude Van Damme. On n’a jamais travaillé ensemble mais on se voyait souvent, en soirée ou pour des évènements caritatifs. (Il fait une pause). Je crois qu’il aimait bien ma femme. Mais ça va, je lui pardonne, tous les mecs étaient fous d’elle. Sinon je connaissais David Carradine, avec qui j’avais tourné un film, et surtout Phillip Rhee, qui m’entraînait au karaté dans le plus vieux dojo ayant appartenu à Chuck Norris à Los Angeles. On se voyait tous de temps en temps mais il n’y avait rien de compétitif entre nous. Et puis de toute façon on ne boxait pas dans la même catégorie. Eux étaient des grosses stars hollywoodiennes, moi je menais une carrière dans l’exploitation vidéo. J’étais une star d’action de série B. Et je n’aspirais pas à plus en tant qu’acteur. Je m’épanouissais comme ça. J’aurais pu avoir un gros succès à une époque, mais pour une raison ou une autre ça n’a pas marché…
De quoi s’agissait-il ?
J’ai passé une audition pour incarner James Bond en 1995. Celui dans lequel joue Pierce Brosnan (GoldenEye, ndlr). Les discussions étaient bien avancées, je suis allé rencontrer «Cubby» Broccoli (Albert Romolo Broccoli, producteur américain des premières adaptations de James Bond, ndlr) et sa fille. On a parlé pendant plus d’une heure chez eux. Et puis ils ont finalement pensé que j’étais trop jeune pour le rôle. Sans compter que je n’étais pas britannique. Je le regrette aujourd’hui, pas parce que ça aurait pu changer ma carrière, mais parce que j’étais un fan de James Bond depuis mon enfance.
Vous vous destiniez dès le départ à une carrière dans le cinéma d’action ?
Pas vraiment. Je n’imaginais même pas être acteur, même si j’ai grandi entouré de parents qui avaient fait carrière dans le cinéma (son père d’origine argentine, Fernando Lamas, fut un acteur et réalisateur populaire des années 40 à la fin des années 70 ; sa mère, Arlene Dahl, tourna pour quelques grands cinéastes américains comme Anthony Mann ou Sam Wood, ndlr). Ils ont divorcé quand j’étais gosse et je suis resté vivre avec ma mère à New York. Je suis allé dans une école militaire pendant cinq ans, avec l’espoir de devenir ensuite vétérinaire. Sauf que je n’ai pas été pris à la fac et que j’ai préféré rejoindre mon père en Californie. Je devais avoir 17 ans à cette époque et j’ai décidé de faire du cinéma, comme ça, de manière un peu intuitive. Mon père n’était pas forcément d’accord avec cette idée, alors il m’a dit : « si tu veux faire l’acteur, trouve-toi un boulot pour te payer des cours« . Il était du genre assez dur, pas très compatissant. Bref je l’ai écouté, je suis allé bosser dans une station-service, j’ai été gardien de sécurité dans des entrepôts, et je suivais des cours du soir. Au bout d’un an mon prof m’a dit que j’étais prêt pour passer des castings. Mon premier vrai job a été figurant sur Grease. J’étais dingue. Je n’avais pas une ligne de dialogue mais pour la première fois je mettais les pieds sur un plateau de tournage, avec des acteurs confirmés. Et puis il y avait Olivia Newton-John. Ah putain, j’étais fou d’elle.
Racontez-nous comment vous finissez par débarquer sur Le Rebelle ?
Je n’ai même pas passé de casting pour Le Rebelle. Encore aujourd’hui je ne me l’explique pas. Peut- être que Stephen J. Cannell (le créateur de la série, ndlr) m’avait vu dans des petits rôles ou qu’il avait entendu parler de moi via d’autres auditions mais on ne s’était jamais rencontrés. Bref un jour mon agent m’appelle et me dit : « Stephen te veut sur le show« . Je suis allé le voir chez lui et sur son bureau il y avait un script avec noté « Le Rebelle« . Il me l’a tendu et m’a dit : « Voilà, j’ai ce rôle, je pense que tu es la bonne personne« . Je n’y croyais pas : incarner un héros déchu, un fugitif, un mec qui fuyait pour un crime qu’il n’avait pas commis, qui roulait en Harley-Davidson, et cassait des gueules. Fuck you man, j’avais rêvé de ça toute ma vie. Je tenais enfin mon personnage à la Clint Eastwood. Mon rêve de gosse.
C’était l’un de vos modèles au cinéma ?
Non, c’était le modèle. L’unique. Clint Eastwood mec. Il n’était pas particulièrement bon acteur mais il avait un charisme incroyable. Il était là, devant une caméra, et ça suffisait. Je m’identifiais à lui quand j’étais plus jeune, je voulais avoir la même attitude. Alors j’ai étudié son style de jeu, et j’ai compris que tout était dans l’intériorité. Qu’il fallait en faire le moins possible. Face caméra, Clint disait juste ses dialogues. Il ne faisait pas de fioritures, pas de performance d’acteur. Il était juste un bloc. Classe.
Exactement ce que vous avez tenté de faire dans Le Rebelle…
Mais oui c’est ça. Si tu regardes les scènes dans le détail la plupart du temps je me tiens fixe, je regarde droit devant et je déclame mes dialogues sans broncher. C’est tout. Je souris rarement, je fais peu de grands gestes, je reste droit. Un réalisateur du show se foutait tout le temps de ma gueule, il disait que je ne savais pas jouer, mais il ne comprenait pas que c’était mon hommage à Clint Eastwood. Après, j’ai aussi apporté mes propres trucs au personnage. Ma passion pour les motos par exemple : je conduisais depuis longtemps des Harley et tu peux le voir dans la série, rien n’est fake. Et puis il y avait les arts martiaux, dont j’avais déjà une bonne connaissance. La première fois que je suis entré dans un dojo, je devais avoir dans les 18 ans. J’étais très entraîné au Taekwondo. Ça aussi, ce n’était pas fake…
Dans quelles conditions était tournée la série ?
C’était un boulot intense. On a quand même tourné plus de cent épisodes en cinq saisons, alors il fallait carburer. Il y avait quelques scènes en studio mais une bonne partie de la série était tournée en décors naturels, près de San Diego, et le plateau était constamment envahi par des clubs de bikers. La plupart des mecs que tu peux voir dans le show sont issus de ces gangs. Ils adoraient Le Rebelle, comme les prisonniers d’ailleurs. Je recevais un tas de lettres de taulards qui m’expliquaient que le personnage était leur héros, un fugitif comme eux. Bref c’était une belle période, cinq années heureuses, même si j’ai un peu tout gâché vers la fin. J’étais en plein divorce avec Kathleen Kinmont, qui jouait le rôle de Cheyenne dans la série. Une situation compliquée. Après notre séparation j’avais décidé de ne plus sortir avec personne. Je voulais être enfin célibataire. Mais au début de la saison 5, la production nous annonce qu’il va y avoir une nouvelle fille au casting, Shauna Sand. Je l’ai vue débarquer avec son petit bikini sur le cul. Impossible de résister mec, on s’est mis ensemble. Qu’est- ce que j’ai pu être stupide…
On vous a proposé de participer aux Expendables ? Vous auriez eu votre place dans la franchise…
Non, personne ne m’a contacté. Mais je suis heureux pour eux, d’autant plus que Dolph Lundgren est un ami. Ces mecs n’avaient plus de carrière pour la plupart. Ils avaient disparu. Et si personne n’avait pensé à les réunir, ils seraient restés dans l’oubli. Tu sais, on dit souvent que c’est dur pour une femme actrice de vieillir à Hollywood. C’est vrai, mais ça n’est pas plus simple pour les stars du cinéma d’action.
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