Industrial Light and Magic, la compagnie créée par George Lucas, se trouve au centre d’une série documentaire passionnante, avec des interventions de Lucas, Spielberg ou encore James Cameron.
Regarder le cinéma du côté de celles et ceux qui le fabriquent avec leurs mains n’est pas si fréquent. Bourré d’archives, Light & Magic répare en partie ce manque avec une fougue bienvenue, même si son réalisateur, Lawrence Kasdan, affiche 73 printemps. Collaborateur historique de George Lucas et Steven Spielberg – il a coécrit les scénarios de Star Wars et Indiana Jones -, cet homme attachant était sans doute le mieux placé pour raconter l’histoire de ILM.
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Industrial Light and Magic a été fondée par George Lucas en 1975. Frustré par son expérience préparatoire sur Star Wars, le réalisateur constitue une équipe autour du jeune génie des effets spéciaux John Dykstra, quand il comprend que ce qu’il a en tête ne pourra pas être réalisé dans les conditions habituelles à Hollywood. La boîte s’installe d’abord à Los Angeles, puis un peu à l’écart des studios, au Nord de San Francisco. Light & Magic raconte donc en six fois une heure une histoire de pionniers – et de rares pionnières –, dans un milieu ultra masculin.
“Tout est possible”
On y croise les principales figures de ILM, des geeks fous de créatures bizarres et d’effets spéciaux à l’ancienne, dont tout le travail (dans un premier temps) consiste à rendre plus contemporaines des techniques datant quasiment de George Méliès. Le doc suit de façon chronologique les films considérés comme les plus marquants. On croise des inconnus du grand public comme Dennis Muren, John Knoll…, mais aussi George Lucas, Steven Spielberg, James Cameron ou encore JJ Abrams. Tous évoquent en détails le processus créatif de la saga Star Wars, mais aussi de E.T., Abyss, Jurassic Park, jusqu’aux exemples actuels comme The Mandalorian.
Cela permet de se souvenir que le documentaire est diffusé sur Disney +, propriétaire depuis 2012 de Lucasfilms et donc par ricochet de ILM. On n’attendra donc pas vraiment d’anecdotes révolutionnaires, même si on perçoit ici ou là la dureté des conditions de travail imposées par la fabrication des films. Le plus beau, ce sont les moments inattendus, comme cette discussion entre Spielberg et Lucas circa 1980, à propos des bénéfices financiers comparés de Star Wars et de Rencontres du troisième type – l’histoire en dit long sur la manière dont le duo a dominé l’entertainment, en son temps.
Mélancolie
Ce que l’on retient de ces six heures souvent passionnantes se joue à la fois dans les détails – fascinant récit sur la créature en eau de mer d‘Abyss – et dans le tournant historique qu’elle décrit. On comprend que la bande des Lucas et Spielberg a formé une sorte de dernier rempart contre l’oubli, s’inspirant d’une forme classique voire primitive du récit hollywoodien, pour ouvrir la voie à une nouvelle manière de concevoir le cinéma qui peut-être les a dépassés. Le tournant numérique est particulièrement bien mis en valeur dans le documentaire, depuis Terminator 2 jusqu’au moment où Spielberg décide de faire Jurassic Park entièrement avec cette nouvelle technique, en 1993, abandonnant l’animation image par image. C’était il y a presque trente ans. La série traite ce moment avec une franche mélancolie. Dans le dernier épisode, James Cameron résume l’affaire avec cette formule à la fois utopique et froidement capitaliste : “Le niveau des effets spéciaux est tellement haut que les seules limites sont devenues l’argent et l’imagination.” Et le facteur humain, au-delà des ordinateurs capables de tout ? Le préserver est une lutte permanente, semble nous dire en secret Light & Magic.
Light & Magic de Lawrence Kasdan, disponible sur Disney+
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