Les héroïnes new-yorkaises de Girls et de Broad City prennent de l’âge. Un enjeu scénaristique majeur pour ces comédies des tourments postadolescents.
Déjà cinq saisons que Marnie, Jessa et les autres se promènent toutes nues ? Oui, déjà cinq. Et sans que l’on voie vraiment venir le coup, Girls est devenue une vraie série adulte, avec les avantages mais aussi les inconvénients attenants.
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En même temps que ses personnages approchaient la trentaine et commençaient à parler mariage ou responsabilités, la création de Lena Dunham a quitté sa première peau énergique, qui faisait d’elle un traité de la lose et de l’ambivalence des millennials, pour essayer d’atteindre une sagesse nouvelle.
Provocation scénaristique
Il faut parfois se frotter les yeux pour y croire, mais dans le deuxième épisode de la cinquième saison, le personnage principal de la série, Hannah (Lena Dunham), engueule son père parce qu’elle l’imagine ayant baisé “toute la journée sans capote” avec un quinquagénaire “vendeur de bottes” – pour qui n’aurait pas suivi Girls récemment, le père d’Hannah a fait son coming-out. La grande fille, maintenant, c’est elle. L’ado, c’est lui.
Ce renversement a plus de sens qu’une simple provocation scénaristique : il donne le ton d’une crise de croissance. Ce questionnement apparent depuis la troisième saison est aujourd’hui devenu central. Comment grandir ? Comment continuer à foutre le bordel tout en cherchant un certain confort dans la vie ? Chaque épisode de Girls navigue sur cette frontière. Hannah, en couple avec un garçon un peu terne, l’incarne. Au risque de devenir une sorte de caricature d’elle-même.
Combinaisons sexuelles, amicales ou amoureuses
La série n’est pas devenue nulle, loin de là. On lui conserve une affection tenace et quelques scènes fortes la placent toujours au-dessus du lot. Mais elle doit aujourd’hui composer avec des problèmes classiques pour les fictions qui durent, comme de savoir quoi faire avec ses personnages devenus iconiques et dont elle n’ose pas se débarrasser, alors qu’elle devrait le faire.
Quand beaucoup de combinaisons sexuelles, amicales ou amoureuses ont été essayées, les nouvelles tentatives sonnent faux. On pense en particulier à un certain couple tout neuf, à la fois excitant et un peu forcé, dont les lois du spoiler nous interdisent de donner l’identité.
Deux filles made in New York
Alors que Girls va terminer sa course la saison prochaine, il est peut-être temps de jeter en parallèle un œil à celle qui pourrait être sa petite sœur. Broad City entame sa troisième saison et met en scène deux filles made in New York encore largement investies dans une existence de postados rageuses, même si elles n’ont plus vraiment l’âge.
Les deux créatrices du show, Ilana Glazer et Abbi Jacobson, jouent une version exagérée d’elles-mêmes (les personnages portent leurs propres prénoms). Leur série avait commencé entre 2009 et 2011 sous la forme d’une websérie.
Pari loufoque, désespéré et attachant
Elles habitent donc la peau de ces héroïnes depuis plus longtemps que Lena Dunham habite celle d’Hannah. Mais au fur et à mesure que passe le temps, au contraire de la pente choisie par Girls, leurs actions, leur manière de parler, leur look, leur présence au monde deviennent une manière de retourner sans cesse en arrière.
Ne pas sortir de la jeunesse, tel est le pari loufoque, désespéré et attachant de cette comédie dont les défauts récurrents (le fait que les scènes soient autant de sketches potentiels plutôt que les cases d’une fiction au long cours) sont de plus en plus éclipsés par ses qualités.
Broad City parle de sexe comme presque aucune autre série aujourd’hui, du point de vue des femmes, sans s’excuser. Abbi et Ilana inventent surtout une façon de marcher le plus librement possible dans un monde où la dureté est partout, du sexisme éternel à la crise. Et si on devenait leurs amis ?
Girls saison 5 le lundi à 21 h 55 sur OCS City
Broad City saison 3 sur Comedy Central
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