La diffusion coup sur coup du final de la saison 8 de « The Walking Dead » et du premier épisode de la saison 4 de son spin off « Fear the Walking Dead » a jeté des ponts entre deux récits jusqu’alors étanches, et accordé par surprise leurs temporalités. L’univers étendu post-apocalyptique inspiré des romans graphiques de Robert Kirkman, Tony Moore et Charlie Adlard retrouve des couleurs. (Spoilers)
Cet article comporte des révélations sur les séries The Walking Dead et Fear the Walking Dead.
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La programmation série de ce dimanche 15 avril avait des airs de grand soir pour le peuple zombie, ces morts encore vivants aux racines vaudoues et à la charge politique, digérés depuis un demi-siècle par toutes les facettes de la culture populaire. Malgré des audiences en chute libre et une déshérence artistique inquiétante, The Walking Dead et sa petite sœur Fear the Walking Dead, inspirées des romans graphiques de Robert Kirkman, Tony Moore et Charlie Adlard, en constituent toujours la figure de proue contemporaine. Et si la première mène la bataille des audiences, la seconde a su se doter d’une identité propre en resserrant avec inventivité une famille dysfonctionnelle face à l’effondrement du monde. De fait, notre préférence va depuis longtemps à la seconde.
Il était ainsi difficile de se réjouir de l’annonce du passage de Scott M. Gimple, showrunner brouillon d’une série-mère sous respiration artificielle, à son vivifiant rejeton. Ce transfert de cerveau, et avec lui de certains personnages, s’accomplit à un moment de cristallisation dramatique aiguë. The Walking Dead doit enfin clore l’interminable arc opposant les communautés d’Alexandria, de La Colline, du Royaume et (peut-être) de la Décharge et d’Oceanside aux Sauveurs du psychopathe Negan. Fear the Walking Dead doit quant à elle rebondir après une saison 3 explosive achevée dans la fureur et le sang. L’union après la ruine pour l’une, le désordre après l’affrontement pour l’autre.
Écouter les morts pour sauver les vivants
Première surprise dans un univers traditionnellement électrifié par la disparition brutale de ses personnages, la saison 8 de The Walking Dead s’achève sur un affrontement sans mort et une réunification all inclusive, sous-tendue par l’espoir d’un monde meilleur. « La seule chose qui nous reste des disparus, ce sont leurs idées », déclare l’un des personnages en évoquant le rêve pacifique de Carl, le fils défunt du héros Rick. Malgré une forme souffreteuse sans flamboyance et l’annonce de dissensions internes à venir, la série, gonflée d’affects plus positifs, se recentre finement sur le politique : comment faire société dans un mode au bord du chaos, peuplé d’individus quasiment revenus à l’état de nature ?
https://youtu.be/zNKPJNL9p4g
Le nouveau chapitre de Fear the Walking Dead s’ouvre quant à lui de façon plus obscure, fidèle à son ADN décousu et picaresque. Centré sur le voyage solitaire de Morgan, transfuge de la série-mère, il semble naviguer à vue mais convoque de belles visions, de cet homme solitaire qui jubile en entendant sa voix pour le première fois depuis longtemps à cette journaliste qui recueille les histoires des survivants, transformant les récits de The Walking Dead en une fiction aux détails outranciers (« Le roi avait un tigre… »). La dernière séquence, qui entrechoque par surprise les axes narratifs des deux shows, révèle un alignement prometteur de leur temporalités.
Les nouveaux westerns
Il est tentant, à l’aune de ces épisodes conçus comme deux facettes d’une même pièce, d’analyser comment les séries afférentes ont été peu à peu contaminées par les codes du western. Des batailles âpres dans les plaines aux duels finaux en passant par des figures archétypales (éleveurs despotiques, pistoleros taiseux, mercenaires avides et indiens embusqués) et des lieux éprouvés (du ranch à la prison fortifiée), les deux shows dialoguent désormais avec des références cinématographiques classiques plus qu’ils ne questionnent le monde contemporain.
Constat étonnant quand on connait la charge politique de la figure du zombie, de Romero à World War Z, ou qu’on repense à la façon dont les spots de campagne de Donald Trump ont ciblé les téléspectateurs du show, prétendument plus sensibles à ses élans isolationnistes. Relégués à l’arrière plan du récit, les morts vivants n’en constituent plus le cœur battant mais l’arôme familier, grignotant en silence les fondations du monde dans lequel évoluent des personnages en quête d’un monde nouveau. Reste à inventer lequel.
The Walking Dead saison 8 épisode 16, le 16 avril sur OCS choc.
Fear the Walking Dead saison 4, à partir du 16 avril sur Canal+ Séries.
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