Deux copines paient un escort boy pour jouer l’amoureux d’une autre : la deuxième production française de Netflix, paraît obsolète dans un paysage qui a considérablement fait évoluer la sexualité féminine.
Netflix annonçait, il y a quelques mois, une nette augmentation de sa production hexagonale dans les années à venir, et quelque chose comme l’espoir d’un monde meilleur (de la fiction française) affleurait. Après l’accident industriel nommé Marseille, la seconde série originale commandée par la plate-forme américaine vient d’arriver, avec l’ambition de proposer une romcom (comédie romantique) fabriquée à Paris, certifiée 100 % contemporaine. Sauf que Plan cœur (réalisée par Noémie Saglio, d’après l’idée originale du scénariste anglais Chris Lang) laisse pantois du début à la fin.
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L’intrigue a pourtant quelques atouts, qui reposent sur l’imposture comme ressort comique et narratif : Charlotte (Sabrina Ouazani) et Milou (Joséphine Draï) trouvent que la lose sentimentale d’Elsa (Zita Hanrot) a assez duré et lui payent Jules le gigolo (Marc Ruchmann) sans qu’elle ne le sache. Les dates s’enchaînent. Vont-ils s’aimer pour de vrai ?
La réponse se trouve (presque) dans la question, et Plan cœur n’exploite malheureusement pas du tout le potentiel burlesque de son pitch pour se “concentrer”, au contraire, sur son aspect le plus problématique : l’idée qu’une femme a besoin d’un homme pour s’épanouir. Elsa avance en héroïne sans désir, mue par ce qui devrait lui manquer, constituée par le regard des autres.
Où prononcer le mot “bite” devient une définition du punk
Très vite, il devient assez ahurissant de constater que ces huit épisodes, censés explorer les méandres amoureux des trentenaires urbains contemporains (pourquoi pas ?), ont le goût et les couleurs d’une autre époque, où rien ne serait plus important que de se caser, où les garçons expliqueraient aux filles comment réussir dans la vie, où la sororité n’aurait pas une importance particulière – alors que les mecs s’aident toujours entre eux. Un tel niveau d’aveuglement sur ce qui traverse une partie de la jeunesse en quête de fluidité et d’ouverture d’esprit, cela devient un exploit.
Si les décors sont bien ceux d’un certain Paris bourgeois d’aujourd’hui, les valeurs véhiculées par Plan cœur sont bloquées dans les années 1990-2000, le charme vintage en moins. La recherche d’une certaine crudité dans le ton (prononcer le mot “bite”, définition du punk ?) ne débouche que sur une forme de vulgarité, sans doute parce qu’elle cache mal le fond plutôt plan-plan de l’ensemble.
Même quand la série décolle un peu (une blague à base de babyphone, une ou deux scènes plus fines dans la deuxième partie de saison sur l’impossibilité d’aimer), Plan cœur ne parvient pas à faire oublier son conservatisme faussement inclusif : deux des trois héroïnes sont des femmes racisées sans que cela ne soit jamais mis en perspective – la comédienne Zita Hanrot s’est dite satisfaite de ce choix – et quelques détails en disent long, comme l’utilisation systématique de l’expression “un pute” pour qualifier Jules, comme si le métier de travailleur(se) du sexe ne pouvait pas être complètement masculin, comme s’il fallait tordre la langue parce que la réalité serait porteuse d’angoisse pour nos identités. En l’occurrence, le plus angoissant ici, c’est bien la position de la spectatrice ou du spectateur.
Plan cœur, sur Netflix
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