Arte inaugure son offre de séries en ligne par une sélection résolument british, qui conjugue réalisme social et expérimentations singulières.
Le 3 octobre, Arte lance une offre séries exclusivement en ligne et dégagée des contingences de diffusion classiques. Appelée à s’enrichir au fil des semaines (on attend avec impatience Hatufim et Criminal Justice), cette collection, libre d’accès, se présente sous des auspices résolument british : la séminariste Ainsi soient-ils mise à part, les premières œuvres proposées embrassent la diversité de la production anglaise contemporaine.
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L’anthologie Inside No. 9 en constitue la pièce la plus singulière. De cet ovni télévisuel, jamais diffusé en France malgré ses cinq saisons au compteur, ne nous étaient parvenus que des échos qui en attisaient l’aura comme un secret d’initiés.
Une narration tout en fausses pistes
Ses créateurs, Reece Shearsmith et Steve Pemberton, l’ont conçue comme un laboratoire propre à expérimenter une grande variété de genres et de sujets. Ayant pour seul point commun le fait de se dérouler dans un décor marqué du chiffre 9, les épisodes déroulent une narration tout en fausses pistes et chausse-trapes, où l’art du twist règne en maître.
Si l’on regrette que la plupart des récits finissent par piéger leurs personnages dans des résolutions cruelles, difficile de ne pas être séduit·e par les tours de force de cette série en perpétuelle réinvention. Du pilote presque intégralement tourné dans un placard (instaurant le confinement comme l’un des principes structurants de l’œuvre) à un braquage sans dialogue pensé comme un hommage aux maîtres du burlesque, en passant par un épisode écrit en pentamètres iambiques ou un autre tourné et diffusé en direct, Inside No. 9 ouvre son inventivité à tous les vents.
Loin de comprimer l’émotion, ses petites mécaniques bien huilées la laissent au contraire affleurer entre leurs rouages, ou la diffractent en rayons sinueux qui nous atteignent par surprise. En un battement de cils (le temps d’un twist), les retrouvailles tendues d’un duo de comiques se chargent du poids des regrets, et les souvenirs marquants de la vie d’une femme se recoupent avant un dernier saut dans l’obscurité.
Ne rien nous épargner de la déchéance d’un corps
Sur un tout autre registre, The Virtues s’ancre sur les terres d’un réalisme social à l’anglaise, labourées notamment par Ken Loach ou Mike Leigh. Inspirée par le vécu de son créateur, Shane Meadows, elle scrute l’effondrement de Joseph, un homme brisé et alcoolique qui doit faire face au départ de son fils vers l’Australie, où il va vivre avec sa mère et son beau-père. Il décide alors de revenir sur les traces de son enfance traumatique en Irlande.
Si la série peut rebuter par sa noirceur absolue et sa façon de ne rien nous épargner de la déchéance d’un corps (larmes, morve ou vomi s’y répandent en une purge symbolique), elle frappe par sa justesse d’interprétation et sa capacité à invoquer, dans le sillage de son personnage cabossé, les fantômes d’un pays meurtri.
On ne s’attardera pas outre mesure sur Stag, comédie horrifique boursouflée aussi déplaisante que ses personnages, dans laquelle un enterrement de vie de garçon en Ecosse vire au jeu de massacre, et on laissera Ill Behaviour déplier son argument douteux (deux potes kidnappent leur ami pour le forcer à traiter son cancer) en embardées cyniques pour jeter un œil amusé à A Young Doctor’s Notebook.
Inspirée des écrits de Mikhaïl Boulgakov, cette plongée décalée dans le quotidien d’un hôpital russe reculé en 1917 trouve dans son étonnant principe narratif – un jeune médecin inexpérimenté converse avec le praticien reconnu qu’il est devenu (ou l’inverse ?), ce qui donne matière à une satire médicale grinçante.
Et si le présent et le passé s’y frottent convulsivement, les figures qui leur donnent corps semblent elles aussi hantées par les rôles saillants de leurs interprètes – Harry Potter pour Daniel Radcliffe, Don Draper pour Jon Hamm –, teintant leur rencontre d’une lecture extra-diégétique surprenante.
Séries à la demande à partir du 3 octobre sur arte.tv
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