Interviews, parodies de pub, sketchs et live in… Que vaut “Le Late avec Alain Chabat,” le nouvel ovni télévisuel de TF1 ?
Les années 1990 sont décidément partout, en mode (les crop tops dans les collèges et lycées), en musique (Break My Soul de Beyoncé en hommage à Show Me Love de Robin S), mais aussi en télé. Si le comeback des Inconnus (Tous inconnus) a tourné au malaise, voici la version plus fine, plus pensée, plus audacieuse aussi, qui prend la pop culture avec le sérieux qu’elle mérite : le Late avec Alain Chabat.
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Lequel, après avoir proposé une copie amoureuse de Saturday Night Live dans Les Nuls, l’émission (1990-1992 sur Canal Plus), réalise son rêve d’entertainer avec un show de comédie et d’interviews à 23 h, comme la télé américaine en propose depuis les années 1960. À la différence près (cruciale) qu’elle n’est pas enregistrée le jour de la diffusion, interdisant de réagir à l’actualité.
On a donc vu une blague attendue sur le Qatar, Coupe du monde de foot oblige, puis un sketch en mode fausse pub vantant ironiquement les mérites de “l’argent” pour illustrer la crise, ce qui reste mince. La politique n’a de toute façon jamais été le point fort de Chabat, plus pertinent dans les transgressions absurdes de sale gosse, comme cette excellente séquence où il fallait dire des phrases de conditions générales le plus vite possible, avec Jean-Pascal Zadi au top de son flow. L’émission est prévue pour durer dix épisodes, ni plus ni moins, a priori sans trop de contrainte d’audience.
Faille spatio-temporelle
“Bienvenue à ceux qui découvrent TF1, et même ceux qui découvrent la télé”, a d’ailleurs lancé l’animateur de 63 ans dans le monologue d’ouverture de la première, lundi 21 novembre. Une manière de se situer dans une vague nostalgique sans céder à ses aspects mortifères. Les premières émissions, de ce point de vue, ont mélangé les têtes ultra connues en mode copains drôles et stars (Jean Dujardin, Jamel Debbouze, Charlotte Gainsbourg, Orelsan) et quelques propositions moins mainstream comme la standuppeuse Tania Dutel, qui a expliqué tranquillement que le clitoris avait été découvert après l’Amérique et évoqué les plaids que posent sur leur sexe celles et ceux qui croient aux fantômes, pour éviter leur regard pendant la masturbation. Il a fallu vérifier qu’on était bien devant TF1. Quelques minutes plus tard, un live de Wet Leg, l’excitant groupe de rock de l’île de Wight, agrandissait la faille spatio-temporelle.
Chabat s’est entouré d’une partie des auteurs (pas de femme ici) de son récent reboot souvent hilarant de Burger Quiz, Benoît Oullion, Dan Andreï, Cyril Cohen et son fils Max Chabat, utilisant à peu près les mêmes ressorts comiques qu’il y a trente ans. Mais il y croit, cela se voit, et c’est exactement la raison pour laquelle la sauce prend. Sans être parfait, cet ovni dans les programmes préférés de Télé 7 Jours laisse imaginer ce que pouvait être et surtout ce que pourrait être la télé française, avec un peu plus d‘imagination. Si l’envie de retrouver un peu de “l’esprit Canal” peut guider certain·es téléspectateur·trices à regarder l’émission en hommage aux jeunes adultes qu’ils et elle ont été, Chabat, lui, vise manifestement tout autre chose. Il constate que les obsessions qui ont stimulé le début de sa carrière – pourquoi on n’arrive pas à faire aussi bien que les Américain·es ? – restent toujours valides aujourd’hui. Il n’aura jamais la réponse à sa question et c’est ce qui rend son travail touchant.
Le Late show avec Alain Chabat. Tous les soirs à 23 h sur TF1 jusqu’au 2 décembre.
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