L’Ange de l’obscurité, la deuxième saison de L’Aliéniste, propulse son trio de profileur·euses sur le terrain des violences faites aux femmes, et conjure son manque de souffle par une profonde noirceur.
Dans le champ saturé des récits de serial killers, L’Aliéniste tire son épingle du jeu en frottant la dissection des esprits criminels à une auscultation des blessures enfouies de l’histoire américaine, qui a souvent relégué les classes populaires et les immigrés aux bas-fonds miséreux des grandes villes. Sise dans le New York de la fin du XIXe siècle, la série opère un croisement entre Mindhunter et The Knick sur fond de critique sociale, et l’agite de rebondissements pulp façon Sherlock.
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Marqués par l’exécution d’une jeune femme accusée d’avoir tué son enfant, le spécialiste des maladies mentales Laszlo Kreizler, le journaliste John Moore et Sara Howard, qui vient d’ouvrir son agence de détectives privé·es, reforment leur trio de protoprofileurs pour tenter de prouver l’innocence de la condamnée. L’enlèvement d’un nourrisson dans une famille de dignitaires espagnols oriente leurs recherches vers une clinique gynécologique aux méthodes douteuses.
Patriarcat social et contrôle des corps
Comme dans la première saison, L’Ange de l’obscurité séduit par la précision de sa reconstitution historique : des salons de la bourgeoisie décadente aux quartiers malfamés, le New York de 1897 nous apparaît en coupe sociologique aiguisée, métropole grouillante dont le vernis de modernité (multiplication des téléphones, premières voitures à moteur) dissimule mal le délabrement avancé.
Si l’alchimie entre les comédien·nes fonctionne bien, et que l’enquête présente une porosité judicieuse avec son cadre sociopolitique, on regrette que ses rebondissements souvent prévisibles soient desservis par une mise en scène académique. Plus dérangeant pour une série de profilage, son versant psychologique est esquissé à traits épais du côté du ou de la meurtrier·ère (dont on se gardera d’éventer l’identité), et en touches baveuses sur le plan des atermoiements existentiels des personnages.
Une esthétique de la pourriture et du délabrement généralisé
En contrepoint, on est saisi·es une nouvelle fois par l’imagerie glauque qu’elle déploie, n’épargnant aux spectateur·trices aucune vision sanglante (cadavres de bébés, corps démembrés…). Si ce choix peut paraître racoleur, il participe néanmoins d’une esthétique de la pourriture (des corps) et du délabrement généralisé (des âmes ou de la ville), qui s’inscrit elle-même dans la mise en évidence d’un processus de domination.
Comme l’annonce son prologue (l’exécution d’une jeune femme devant une assemblée d’hommes d’âge mûr), L’Ange de l’obscurité s’avance sur le terrain des violences faites aux femmes, que ce soit à travers un patriarcat social – de l’assignation à la maternité aux barrières professionnelles – ou un contrôle des corps – la clinique où sont perpétrées des mutilations gynécologiques –, mais aussi des violences que les femmes peuvent être poussées à exercer en retour.
C’est donc sans surprise que le personnage de Sara, indépendante et progressiste, magnétise cette fois la narration, offrant dans son sillage émancipateur un antidote possible à l’obscurité qu’elle traverse.
L’Aliéniste : L’Ange de l’obscurité sur Canal+
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