La série de Gérald Hustache Mathieu, qui regarde du côté de “Twin Peaks” et de “Fargo”, est une belle ode à celles et ceux qui vivent à côté de leurs pompes.
Il n’y a pas que les séries françaises mainstream qui aiment la ruralité. Certaines tentatives personnelles plus délicates, loin de la tentation des cartes postales et du folklore, investissent des terres moins visitées que d’autres avec l’ambition d’en faire ressortir la poésie, parfois l’étrangeté. Au début des années 2010, Les Revenants de Fabrice Gobert plongeait dans une vallée savoyarde – même si le nom du lieu n’était jamais cité – sous influence David Lynch. Cette fois, Gérald Hustache Mathieu plante sa caméra à Mouthe, dans le Doubs, pour adapter son propre film de 2011, Poupoupidou. Il touche lui aussi à un imaginaire habité par l’auteur de Twin Peaks : on croise ici une femme qui chante des mélodies lancinantes dans un bar rustique, une bûche dont on ne comprend pas ce qu’elle fait là, pas mal de lieux vides filmés dans leur nudité, sur fond d’enquête tordue.
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Polar Park confirme la touche singulière d’Arte dans le paysage. Personne dans la chaîne franco-allemande n’a forcé le créateur – qui écrit et réalise les six épisodes – à céder aux sirènes du premier degré. Avec ce qu’il faut de distance, la série se déploie comme une réflexion douce sur les puissances des récits, ceux que l’on invente, ceux que l’on subit, à travers le personnage d’un écrivain de polar. Né à Mouthe, ce quadra fatigué revient sur ses propres traces, pour tenter d’élucider le mystère de ses origines. Une histoire de père se mêle à une persistante angoisse de la page blanche. Auteur à succès, David Rousseau n’arrive plus à faire avancer les intrigues de son héros. Dans le même temps, des meurtres soigneusement mis en scène par un·e tueur·euse en série se succèdent dans la ville. Et si tout cela était un défi qui lui est lancé ? Jean-Paul Rouve incarne cette figure d’écrivain à la fois tranchante et dépressive, d’une drôlerie froide, comme s’il avait trouvé en cet homme un frère.
Vernis burlesque croisé à une violence sourde
En plus de Twin Peaks, Gérald Hustache Mathieu regarde aussi du côté de Fargo – le film des frères Coen, la série de Noah Hawley – et donne à Polar Park un vernis burlesque jamais souligné mais toujours présent, croisé à une violence sourde. Ici, tout est possible, n’importe quelle explosion, n’importe quel bordel, et tout le programme de la série consiste à voir comment les dépasser. Si l’intrigue policière – qui tue à répétition ? – structure le récit, la série paraît comme aimantée par les à-côtés : une conversation dans un bar entre un homme et une femme qui ne savent pas encore que le désir les harponne, la simple sensation d’une atmosphère glacée (Mouthe est considérée comme la ville la plus froide de France) dont il faudrait capter les effluves, filmer la piqûre.
Dans une belle scène à la fois drôle et désabusée, David Rousseau – qui mène l’enquête avec un gendarme local joliment interprété par Guillaume Gouix – se rend compte que l’homme qu’il soupçonnait n’est peut-être pas la personne qui commet les meurtres. “Il était juste un peu décalé”, lance-t-il benoîtement, dévoilant peut-être le fond de la série. Une ode à celles et ceux qui vivent juste à côté de leurs pompes. Un éloge de la folie douce.
Polar Park, sur arte.tv, diffusion linéaire les 2 et 9 novembre à 20h55 sur Arte.
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