Malgré un certain didactisme et une représentation problématique des scènes de viol, une série au regard acéré sur les violences faites aux femmes dans la société chilienne.
“Le violeur, c’est toi”. En novembre 2019, le collectif féministe chilien Las Tesis scandait, lors d’une performance engagée, un texte appelé à devenir un hymne international contre les violences faites aux femmes. C’est une scène similaire qui polarise les premiers épisodes de La Meute, série écrite par Lucía Penzo et produite par Pablo Larraín (entre autres) : dans un quartier aisé de Santiago, des lycéennes bloquent l’entrée de leur école privée catholique pour dénoncer les abus sexuels perpétrés par l’un de leurs professeurs, couvert par sa hiérarchie. Lorsque leur leadeuse disparaît, l’inspectrice Olivia Fernández, chargée de l’enquête, collabore avec Elisa Murillo, une collègue qui vient de trouver le cadavre d’une jeune femme sous un pont.
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En partant d’un motif classique du polar, la série déploie une arborescence dramatique sinueuse qui joue du mélange des genres – récit policier, drame lycéen à la 13 Reasons Why et techno-thriller dans les arcanes du dark web – et place en résonance le passé trouble du pays, marqué par le souvenir de la dictature militaire, avec son présent le plus inflammable. Le “Jeu du loup”, succession de défis délivrés en ligne aux garçons de l’établissement en vue de “remettre les femmes à leur place”, fonctionne ainsi comme la métaphore – un brin épaisse – de l’oppression patriarcale et systémique qui continue à structurer une société profondément conservatrice.
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Jeu misogyne et sororité combative
Précise dans son analyse des mécanismes de domination, de la formation d’une masculinité toxique à la complicité généralisée qui lui assure l’impunité, La Meute souffre d’un didactisme qui distribue les figures comme les arguments d’un théorème simplificateur (sportifs abusifs, parents dépassés…) quand elle ne trouve pas, involontairement, des excuses aux agresseurs, manipulés par un jeu qui les dépasse. Elle se révèle également problématique dans sa représentation des scènes de viol, filmées du point de vue des criminels avec une complaisance voyeuriste.
Ces quelques défauts, s’ils fragilisent le récit, ne le rendent pas moins addictif sur la forme et pertinent sur le fond. En mettant en scène des personnages féminins décidés à faire bouger les lignes et la puissance d’une sororité combative, La Meute s’inscrit dans une actualité brûlante et témoigne de la vigueur politique de la création télévisuelle sud-américaine.
La Meute de Sergio Castro et Enrique Videla, avec Antonia Zegers, Daniela Vega. Sur Arte et arte.tv depuis le 17 juin
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