L’acteur Danny McBride déploie toute sa beaufitude et son humour toujours sur le fil dans Vice Principals. La comédie, coécrite avec ses compères de Kenny Powers et où il campe un vice-proviseur fourbe, promet quelques bons moments de drôlerie.
Vice : 1. penchant particulier pour quelque chose que la religion, la morale, la société réprouvent ; 2. anomalie, défaut grave qui altère une personne, une chose dans son essence et la rend inapte à remplir sa fonction ; 3. du latin vice, préfixe désignant un poste en dessous d’un autre. Pour saisir de quoi il en retourne dans la nouvelle série concoctée par Danny McBride, Jody Hill et David Gordon Green, il faut aimer la polysémie.
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Vicieux, viciés et vice(-principaux) : ainsi vont les protagonistes les plus sympathiquement antipathiques qu’il nous ait été donné de voir “depuis longtemps”… Longtemps, vraiment ? En réalité, depuis 2013, avec cette quatrième et dernière saison de Kenny Powers, à l’issue de laquelle nous avions laissé le même trio créatif enterrer dignement cette vieille raclure de Kenny Powers, joueur de base-ball has been et sociopathe, qu’ils nous auront fait adorer malgré, ou plutôt grâce à, ses dantesques crapuleries.
Calife à la place du calife
Trois ans plus tard, tous trois reprennent le flambeau de l’antihéroïsme triomphant et le trimballent cette fois dans les couloirs d’un lycée, à la suite de deux vice-proviseurs, Neal Gamby (Danny McBride) et Lee Russell (Walton Goggins), censés l’administrer. Censés seulement, car ces derniers passent en fait leur temps à comploter en vue de faire tomber le préfixe de l’intitulé de leur poste et devenir ainsi calife à la place du calife.
Vice Principals débute sur une scène très drôle figurant Bill Murray, proviseur à la veille de la retraite, hissant le drapeau pour la dernière fois sur son établissement chéri, entouré de ses adjoints dont on comprend instantanément qu’ils se haïssent mutuellement et feront tout pour accéder au poste suprême aux dépens de l’autre. Seulement, badaboum, le rectorat refuse de choisir entre la peste et le choléra et leur impose dès le lendemain un nouveau chef venu de l’extérieur.
Et pas n’importe lequel : une femme, noire. Comme à peu près tous les personnages qu’interprète McBride, Neal Gamby incarne l’Amérique white trash dans sa version Budweiser (plutôt que bénitier), celle qu’on imagine bien voter Trump. Aussi, la perspective de travailler avec un tel supérieur redouble sa rancœur de n’avoir pas été choisi.
Savoir donner à la beaufitude la plus extrême un visage comique
C’est depuis ses débuts le génie propre de cet acteur que de savoir donner à la beaufitude la plus extrême un visage comique, sans être pour autant complaisant – certains, en France, feraient bien de s’en inspirer. Danny McBride est toujours sur le fil, capable comme personne de faire rire de sa veulerie et donc de profiter d’un certain capital sympathie – comme peut d’ailleurs le faire Will Ferrell, dont il est proche, et qui fait une apparition dans Vice Principals – tout en se tenant éloigné des abords putrides de la comédie de connivence, celle où l’on se moque des freaks à grand renfort de clins d’œil pour prôner in fine la normalité.
Sa méchanceté à lui n’est pas feinte, son verbe haut et sa honte jamais bue. Mais le rire avec lui s’accompagne toujours d’un désespoir sincère, désespoir que son visage bouffi et son look ringard (éternelle moustache et frisettes proéminentes) accentuent. Il y a une dimension cathartique chez McBride, et surtout pas d’hypocrite rédemption : il prend sur lui, va jusqu’au bout, et se crame les bacchantes pour nous absoudre, nous autres humains, de nos pires péchés – tel un Jésus inversé ou un Christ défroqué.
Et si les fans de comédies US le vénèrent, il est encore loin d’être bankable – ne parlons pas de la France, où son nom n’évoquera rien à la plupart des spectateurs. C’est que Danny McBride suit depuis ses débuts un chemin ardu, quoique vertueux : celui du second couteau qu’on adore le temps d’une scène mais dont on peine à retenir le nom – “mais si, tu sais bien, le gros con à la moustache, là…”
Un odieux prof de taekwondo pour ados
Il a ainsi été “révélé” en 2003 dans All the Real Girls, le deuxième (et plus beau) long métrage de son copain de fac David Gordon Green, que l’on retrouve au générique de Vice Principals en tant que producteur exécutif. Puis, en 2006, il coécrit et joue le rôle principal de The Foot Fist Way, réalisé par Jody Hill, autre camarade de fac et troisième côté du triangle infernal à l’origine de cette nouvelle série.
Le film, qui narre les péripéties d’un odieux prof de taekwondo pour ados, demeure confidentiel ; mais, rapidement culte, il finit par atteindre le lecteur DVD de Seth Rogen, qui devient son fan numéro 1, lui offre une apparition dans Délire express et convainc son mentor/producteur Judd Apatow de l’engager pour le réaliser. Depuis, on a pu le voir, dans le même genre de rôle, chez les Farrelly (La Femme de ses rêves), Ben Stiller (Tonnerre sous les tropiques), Seth Rogen encore (C’est la fin) ou Cameron Crowe (Welcome Back).
Une chose semble hélas probable : ce n’est pas avec Vice Principals qu’il va accéder à l’hypercélébrité. Commandée par HBO pour deux saisons de 18 épisodes en tout (déjà tournés au moment où sera diffusé le premier), cette série n’est pas de nature à attirer les masses. Elle vise plutôt à perpétrer un geste libre et radical, à enfoncer un vieux clou dans le cercueil déjà bien scellé de la bienséance.
Pourtant, au vu du début de la première saison, on aurait paradoxalement souhaité un peu moins de liberté, ou plutôt que McBride, Hill et Green sortent de leur zone de confort. Si le charme agit encore ici ou là, grâce à l’abattage comique de sa star et, bonne surprise, du second VP Walton Goggins (qu’on a pu apprécier dans The Shield ou Les Huit Salopards), la série peine à renouveler la furie de Kenny Powers, qui s’épuisait déjà dans ses deux dernières saisons. Peut-être est-ce le signal, valant d’ailleurs pour toute cette génération de comiques du milieu des années 2000, qu’il est définitivement temps de sonner la fin de la récréation.
Vice Principals saison 1, depuis le 17 juillet sur HBO
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