Toujours aussi précise dans son écriture satirique cette fois dorée au soleil sicilien, la deuxième saison de “The White Lotus” déplie une mécanique de vaudeville sophistiqué sans atteindre la densité émotionnelle de la précédente.
Diffusée à l’été 2021, la première saison de The White Lotus nous offrait un précis de la décadence occidentale dont la mécanique chaotique n’écaillait pas la saisissante clarté. Tissant une fiction chorale autour de quelques bourgeois·es en crise noyant leur spleen dans un complexe hôtelier, ses six épisodes esquissaient un portrait transgénérationnel vertigineux qui la hissait en tête de notre classement des séries de l’année.
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Autant dire que nous attendions avec impatience sa deuxième saison, toujours pilotée par Mike White qui écrit et met en scène la totalité des épisodes. Exit les palmiers de Hawaï, cap sur les côtes escarpées de la Sicile où se niche le White Lotus de Taormine, écrin féérique troublé par la découverte d’un cadavre. Une semaine plus tôt, un bateau déposait neuf vacanciers sur un ponton où les accueillait l’équipe hôtelière, sourires commerciaux et coupes de Prosecco à la main.
Nouvelles têtes et personnages familiers
Identique à celle de la première saison, cette entame pose sur la platine un disque qu’on devine rayé. Ses crissements révèleront l’envers vicié du décor paradisiaque et feront tomber les masques de sa galerie de privilégié·es, projeté·es dans l’arène comme les candidat·es d’une émission de téléréalité.
Il y a Bert, Dominic et Albie di Grasso, grand-père, fils et petit-fils débarqués de Los Angeles pour renouer en famille (et surtout entre hommes) avec leurs origines siciliennes. Il y a aussi Cameron et Daphne Babcock, époux beaufs et friqués qui ont décidé d’inviter Harper et Ethan, un couple d’amis intellos.
On retrouve également Tanya McQuoid, inoubliable héritière déphasée incarnée par Jennifer Coolidge dans la première saison, qui rejoint son nouveau mari, flanquée de son assistante personnelle. Aux estivant·es s’ajoutent Valentina, directrice rigide du complexe hôtelier, et Mia et Lucia, deux jeunes Siciliennes qui tentent de se prostituer auprès des clients de l’hôtel.
Un purgatoire clinquant
Si les frictions générées par cette galerie de personnages promettent des entrelacs vaudevillesques sophistiqués, le cadre choisi annonce des mouvements tectoniques plus profonds. Dominée par l’Etna en bouillonnement constant, elle saisit à bras le corps les clichés “dolce vita” de vacances en Italie fantasmées par des décennies de cinéma hollywoodien et creuse les sédiments jusqu’au tragique de l’opéra (on y assiste à une représentation de Madame Butterfly de Puccini) et de la violence décadente du monde antique.
Ce terreau extrêmement riche n’est qu’à moitié investi par une intrigue qui tarde à s’emballer, s’engluant dans la répétition de certains motifs sans céder pleinement à l’appel du chaos qui finissait par engloutir la première saison. Questionnant avec acuité la crise de la masculinité, les mécanismes d’imitation sociale et la circulation imbriquée des corps et de l’argent, elle se contente (sur les cinq épisodes que nous avons pu visionner au moment d’écrire ces lignes) de glisser sur les failles de ses personnages en contournant l’abîme.
Une angoisse transpire pourtant par chaque pore des personnages et chaque pixel du décorum de carte postale, bulle dorée dont les reflets dissimulent à peine le mal de vivre généralisé qu’elle contient et qui finit par figurer, plutôt qu’un paradis rêvé, un clinquant purgatoire.
The White Lotus saison 2 de Mike White, avec Jennifer Coolidge, F. Murray Abraham, Aubrey Plaza, Michael Imperioli… À partir du 31 octobre sur OCS City.
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