Un saisissant docu-série fait ressortir une affaire de meurtre et de pédophilie avec une ampleur insoupçonnée. The Keepers est à voir absolument.
Un jour de 1969, non loin de Baltimore, dans le Maryland, une jeune nonne appréciée de tous, professeure dans le lycée catholique local, disparaît du jour au lendemain. Elle s’appelle Cathy Cesnik et personne ne la reverra vivante.
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Voilà près de cinquante ans que l’affaire traîne dans les têtes de quelques personnes hantées et de rares journalistes, jusqu’à ce que Jessica Hargrave et Ryan White décident de lancer une enquête pour tenter de démêler les fils d’une affaire qui touche aux ténèbres de l’Amérique : meurtres, pédophilie, religion…
La forme relativement récente du docu-série consacré à des faits divers
Les sept épisodes de The Keepers sont arrivés sur Netflix depuis quelques semaines, et ils créent un choc pour celles et ceux qui les voient, confirmant que la forme relativement récente du docu-série consacré à des faits divers – qui va de The Staircase à Making a Murderer – est devenue aussi captivante que sa grande sœur fictionnelle. Ici, on retrouve des éléments qui font penser à Search Party (en moins drôle), à Cold Case (en moins rapide sur le cas étudié) ou, bien sûr, à Spotlight, mais la série tient puissamment debout toute seule.
Sa première singularité ? Ses protagonistes de chair et de sang. La plupart d’entre eux sont des femmes de plus de 60 ans qui racontent aujourd’hui leur lutte pour faire émerger la vérité. Ces corps et ces paroles, finalement peu vus et entendus, dans le documentaire comme dans la fiction, occupent ici le centre de l’image.
Leur présence est d’autant plus forte et pertinente que toutes reviennent sur une époque où elles étaient adolescentes, créant un écart spatio-temporel qui donne une épaisseur considérable à leurs témoignages. Elles évoquent chacune à sa manière – selon la place qu’elles ont tenue à l’époque – leurs sentiments sur les raisons pour lesquelles Cathy Cesnik a été assassinée et pourquoi les auteurs de ce crime n’ont pas encore été punis.
Les soupçons se portent sur un enseignant du lycée
Assez tôt, les soupçons se portent sur un enseignant du lycée que fréquentait la jeune nonne, le père Joseph Maskell, dont on découvre peu à peu les infernales pratiques pédophiles sur de jeunes élèves. Cesnik aurait été sur le point de le démasquer.
Sans révéler l’ampleur de ce qui est raconté au fil des épisodes de The Keepers, on doit signaler le caractère inoubliable et inédit des témoignages, notamment celui d’une victime du prédateur sexuel en question. Cette femme, Jean Hargadon Wehner, raconte avec une dignité et un courage absolus les viols et abus qu’elle a subis, d’une manière qui porte la série vers des hauteurs insoupçonnées.
Si tout avait démarré comme le récit d’une affaire criminelle, The Keepers devient tout autre chose quand le processus de libération de la mémoire et du trauma devient son sujet. Disséminé dans les paroles, marquant les visages, ce processus s’inscrit dans la matière même des épisodes : il se dévoile et se déploie devant nous.
Les tentations putassières et sensationnalistes sont évitées
Toutes les tentations putassières et sensationnalistes sont évitées par la mise en scène – même si elle ne se prive pas de “reconstitutions” évocatrices pas forcément très nouvelles – qui se donne pour premier but d’enregistrer le retour d’un immense refoulé.
Celui qui a perturbé de nombreuses jeunes femmes (mais pas seulement) pendant des décennies, celui qui finalement révèle la capacité d’un système social (ici, les prolétaires et membres de la classe moyenne blanche catholique) à produire de la violence sans toujours en avoir conscience. Rarement la réalité de l’emprise de la religion sur les êtres et de certains hommes sur des femmes n’aura été aussi implacablement démontrée.
The Keepers sur Netflix
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