L’œuvre du mangaka Junji Ito, invité d’honneur du prochain Festival d’Angoulême, fait l’objet d’une adaptation décevante sur Netflix.
Junji Ito, mangaka acclamé et maître japonais de l’horreur, n’en finit plus de s’exporter par-delà les frontières nippones, et fait plus que jamais l’actualité hexagonale. En 2021, l’éditeur français Mangetsu regroupait dans deux beaux volumes, titrés Les Chefs-d’œuvre de Junji Ito, un florilège de ses histoires horrifiques, excursions mentales dans les tréfonds de l’effroi. Le 26 janvier prochain, il sera invité d’honneur au Festival d’Angoulême, qui lui consacre une exposition.
Aujourd’hui, c’est une série d’anthologie diffusée sur Netflix, composée de courts métrages animés, qui adapte vingt histoires imaginées par le mangaka. Mais le trait charbonneux d’Ito, son sens prodigieux de la composition et sa manière de figer l’horreur et l’indicible, subsistent-ils une fois animés, de surcroît par d’autres mains que les siennes ?
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Un outre-monde horrifique
Dans les années 1990, Junji Ito publie dans le magazine spécialisé Big Comic Spirits, très lu au Japon, des dizaines d’histoires horrifiques qui font rapidement sa réputation. Parmi celles-ci, on peut notamment citer Spirale, qui voit une petite ville tomber sous l’emprise mortifère du symbole de la spirale, ou Gyo, dans laquelle des poissons à l’odeur putride attaquent les humains avant de les transformer en créatures difformes.
À la fois irriguée par le folklore japonais, pas avare en histoires de fantômes, et placée sous l’égide de Lovecraft, l’œuvre d’Ito donne vie à un monde, ou plus exactement un outre-monde, peuplé de monstres inquiétants, de visions hallucinées, de visages déformés par l’effroi, où l’horreur agit comme la déflagration paroxystique de malaises tenus secrets et d’un mal-être latent qui cherche continuellement son objet.
Une adaptation décevante
Autant dire qu’il y dans les dessins d’Ito matière à cauchemars : des têtes décapitées géantes qui flottent dans l’air comme des ballons de baudruche auxquelles sont attachés les corps pendus de leurs anciens propriétaires, un corps qui s’absorbe lui-même puis accouche d’un autre, une immense créature constituée de restes humains qui jaillit d’un puits… Toutes ces visions hallucinées se retrouvent dans l’anthologie de Netflix, mais ne parviennent jamais à inoculer l’indicible malaise qui contamine les planches d’Ito. Comme si animées et colorisées, les histoires s’évidaient de leur substance maléfique.
Un constat qu’on peut en partie attribuer au travail de Tagashira Shinobu, réalisatrice de Junji Ito Maniac, qui avait déjà œuvré sur une anthologie mollement accueillie par les fans, et au studio DEEN qui produit l’animation, trop lisse et désincarnée ; mais il tient surtout au caractère inadaptable de l’œuvre d’Ito, dont la nature profondément dérangeante semble échapper à tout formatage.
Si l’on retiendra de cette anthologie quelques histoires plus réussies que d’autres – comme Hanging Balloon et ses fameuses têtes flottantes – et un signe supplémentaire de l’anoblissement international d’Ito, on conseillera à celleux voulant découvrir le mangaka de lui préférer son œuvre originale, autrement plus entêtante.
Maniac par Junji Ito : Anthologie macabre, sur Netflix.
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