Techniquement soignée mais terriblement ennuyeuse, cette série, qui suit une invasion extraterrestre à travers le point de vue de plusieurs personnages en crise, rate sa cible et n’apporte rien de nouveau au genre.
Après For All Mankind, passionnante uchronie du créateur de Battlestar Galactica qui rejoue la conquête spatiale à l’aune d’une prééminence soviétique, et Fondation, adaptation pesante du cycle romanesque d’Isaac Asimov, Apple TV+ continue de se positionner sur le terrain de la science-fiction “adulte” ambitieuse et dispendieuse avec Invasion.
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Variation contemporaine autour de La Guerre des mondes d’H. G. Wells, œuvre séminale publiée en 1898 qui continue de structurer l’imaginaire collectif de la rencontre extraterrestre, cette série, créée par Simon Kinberg (scénariste sur la saga X-Men) et David Weil (producteur des séries Solos et Hunters) et financée à hauteur de 200 millions de dollars, ambitionne de tirer de l’invasion en question une métaphore de la condition humaine.
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Une invasion alien saisie à hauteur humaine
Maintes fois adapté au cinéma, le sujet est ici traité sur un mode anti-spectaculaire. Si le budget de l’entreprise permet de présenter une esthétique et des effets visuels soignés, la série porte davantage l’attention sur les comportements humains et la façon dont la crise vient les éprouver. La partition originale de Max Richter, très proche de ses créations pour The Leftovers, annonce dès le générique la tonalité mélancolique et introspective d’une série qui entreprendra de sonder notre rapport à la croyance et à la perte.
Invasion reste arrimée au point de vue de personnages “normaux”, répartis aux quatre coins du globe et qui ne se connaissent pas. Un shérif en préretraite tente de trouver un sens à sa vie dans une commune rurale des États-Unis, une mère de famille américaine voit son existence vaciller suite à l’adultère de son mari, un militaire en mission en Afghanistan erre après que son escouade a été décimée, un adolescent anglais cherche la signification de ses visions épileptiques et une ingénieure en télécommunications à l’agence spatiale japonaise fait le deuil de l’amour de sa vie.
Pas de grandes scènes de désolation ni de situation room bunkerisée : la catastrophe nous apparaît de façon parcellaire. Majoritairement reléguée hors champ, elle ne s’exprime que par des traces ou des récits rapportés, sans qu’un point de vue plus global ne vienne en livrer une vision cohérente.
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Profondeur artificielle mais ennui abyssal
Si le parti pris immersif d’Invasion est prometteur, il est affaibli par des personnages archétypaux, malgré la volonté d’inclusivité qui semble avoir guidé leur écriture et leur casting : l’expérience au monde qui nous est proposée reste essentiellement anglo-saxonne et enserrée dans des stéréotypes fictionnels élimés (le shérif désabusé, l’épouse trompée, le militaire parano…). Plus largement, chaque situation mise en scène distille une impression pénible de déjà-vu, et la volonté de réalisme est parasitée par des invraisemblances de scénario qui troublent notre adhésion au récit.
Mais le plus gros souci de la série tient à son rythme. Dilués à l’extrême et troués de digressions dispensables, les différents récits qui la structurent visent à lui conférer, à travers les crises existentielles que traversent les personnages, une densité psychologique et une ampleur métaphysique, mais touchent plutôt à une forme de neurasthénie (à l’exception de l’arc japonais, le plus intrigant).
Rien n’est fait non plus pour en relier les fils épars et accrocher quelque chose de notre humanité collective : guidées par un principe de prédestination artificiel, ces trajectoires ne vibrent jamais sur les mêmes fréquences. Si la fin du monde semble être, pour les personnages d’Invasion, l’occasion de se réinventer ou de trouver un sens à leur existence, leurs errances nous ont plutôt accompagné vers le sommeil.
Invasion de Simon Kinberg et David Weil, avec Golshifteh Farahani, Shamier Anderson, Shioli Kutsuna… En ce moment sur Apple TV+.
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