Nouvelle adaptation des comics de Charles Forsman (The End of The F***ing World), I am not okay with this explore la psyché d’une adolescente et tente de faire le pont entre Brian De Palma et John Hugues.
Il y a un peu plus de deux ans surgissait sur la chaine anglaise Channel 4 (puis sur Netflix) l’adaptation des comics The End of The F***ing World de Charles Forsman, une sorte de Bonnie and Clyde adolescent à la fois cru et sentimental, aux vibrations pop – une scène, une chanson, à peu de choses près. La deuxième saison, créée sans l’appui du roman graphique original, avait même réussi à tenir la distance grâce à l’écriture fine de la scénariste Charlie Covell. Il est encore temps de rattraper ces bijoux stylisés et émouvants. Pour celles et ceux qui en auraient terminé, le besoin de contenu de la part des grandes plateformes étant irrépressible, une nouvelle adaptation de comics de Charles Forsman est déjà arrivée sur Netflix, cette fois sans passer par la case Channel 4 : I Am Not Okay with This.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
https://www.youtube.com/watch?v=5XUzgqfu05I
Exit Charlie Covell, trop occupée à préparer sa nouvelle série Kaos (sur Netflix en 2021) qui reprendra les codes de la mythologie grecque, avec notamment un premier épisode consacré à Orphée et Eurydice. Jonathan Entwistle, réalisateur principal de The End Of The F***ing World, a donc développé I Am Not Okay with This avec Christy Hall. Une histoire de violence adolescente, comme sa devancière qui suivait un lycéen persuadé d’être un psychopathe. Ici, l’héroïne s’appelle Sydney (Sophia Lillis) et se rend compte assez vite que quelque chose cloche dans sa gestion de la colère. Il arrive des choses étranges quand elle se met à bouillir intérieurement. Des déplacements d’objets par exemple, puis d’autres événements potentiellement graves, que la décence anti-spoiler nous oblige à taire. Le sujet, c’est donc la rage d’une outsider dont le père vient de se suicider. Et qui n’arrive pas à entrer dans le jeu social classique du lycée américain.
Entre Carrie et The Breakfast Club
I Am Not Okay With This joue avec l’imaginaire teen, revenu en force dans les séries depuis que les plateformes ont compris que les jeunes figuraient parmi ses premiers clients – contrairement aux chaines classiques, qui ont longtemps délaissé le genre malgré quelques belles exceptions : Buffy contre les vampires, Dawson, etc… On se rappelle que HBO a attendu 2019 avant de proposer sa première série ado avec Euphoria… Ici, toute une histoire est convoquée, plus cinématographique que sérielle. La première image (et aussi l’une des dernières) fait clairement référence à Carrie, le chef-d’œuvre de Brian De Palma. L’épisode 5 est en soi un hommage à John Hughes, notamment Sixteen Candles et The Breakfast Club, quand une bande se retrouve collée un samedi matin. Le plus intéressant dans ce désir d’ancrer I Am Not Okay with This dans une tradition se joue dans le grand écart qui est à l’œuvre. Entre la cruauté spectrale de Brian De Palma, son jeu avec le sang comme métaphore des règles ou de la perte de virginité, et le don d’observation sociale et humaine de John Hugues, il y a normalement un abyme, que la série se propose de réduire radicalement. L’alliance des deux est possible et c’est sûrement cette double ambition (et les changements de ton qu’elle implique) qui rend les épisodes accrocheurs.
Une première saison trop prévisible?
Le problème, car problème il y a, tient plutôt à la manière dont sont développés les personnages. Dans son angoisse existentielle perturbante, l’héroïne se révèle au fil de la saison assez largement prévisible dans ses actions et réactions, tandis que les deux figures qui l’entourent – un geek amoureux transi et sa meilleure amie noire, fan du capitaine de l’équipe de foot américain – complètent un trio qui manque parfois d’originalité. En sept chapitres d’une vingtaine de minutes, l’apparition du surnaturel n’est pas suffisante pour masquer l’impossibilité de sonder ces trois figures centrales en profondeur. La sensation est étrange : I Am Not Okay with This est parfois très forte dans ses premiers épisodes, mais finalement plus anodine que peuvent laisser croire les premières impressions. La forme ultra sexy (scènes courtes et tubes pop ou rock de toute les époques, comme dans The End of The F***ing World) ne fait pas tout.
L’avantage de cette frustration ? Elle augure sûrement d’une deuxième saison plus tendue, plus originale aussi, conséquence d’un cliffhanger assez habile qui remet sur le devant de la scène la question qui hantait Sydney depuis le départ : la douleur d’avoir perdu son père et le désir de comprendre ce qu’il lui a légué. I Am Not Okay With This ne devrait pas perdre son âme à sortir de son exploration strictement ado, pour faire exister un monde plus vaste.
I Am Not Okay With This Sur Netflix
{"type":"Banniere-Basse"}