La mini-série anglaise débute ce lundi 29 juin en France. L’an dernier, nous avions rencontré son créateur et réalisateur Hugo Blick, pour parler de « The Honourable Woman », de sa collaboration avec Maggie Gyllenhaal de la difficulté de dépeindre le conflit conflit israélo-palestinien dans une oeuvre de fiction.
Maggie Gyllenhaal a beau être une star, elle n’aurait pas tant brillé sans Hugo Blick. Dans la mini-série qu’il a créée, produite et réalisée, The Honourable Woman (qui débute lundi 29 juin sur Canal Plus), elle incarne Nessa Stein, une femme d’affaires anglo-israélienne à la tête d’une puissante entreprise léguée par son père et qui oeuvre pour la paix entre Israël et Palestine.
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Si la série ne prend pas de position ferme sur le conflit de cette région du Proche-Orient, elle a tout de même provoqué des remous lors de sa diffusion au Royaume-Uni à l’été 2014, juste après que trois jeunes israéliens avaient été retrouvés morts et que le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou accusait le Hamas d’en être responsable. Au mois de septembre, nous avion rencontré Hugo Blick en petit comité pendant une table ronde du Festival Fiction de la Rochelle pour parler de la réception de sa série, sa construction mais aussi de sa relation avec Maggie Gyllenhaal et de son personnage complexe Nessa Stein.
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Comment avez vous vécu la diffusion de la série au Royaume-Uni?
Quand ça a été diffusé, le parcours que les gens ont emprunté était très intéressant. Malheureusement, c’était une diffusion hebdomadaire, et les événements mondiaux changeaient tellement que l’opinion des téléspectateurs changeait chaque semaine.
Les téléspectateurs ont fait des liens entre les épisodes diffusés et les récents événements?
Une série dramatique ne peut pas, et ne doit pas, refléter la nature horrifique des événements qui se déroulent pendant sa diffusion.
Avez-vous signé une série « politique » ?
La série n’est pas à propos du conflit [israélo-palestinien], c’est à propos des conséquences de ce conflit dans la manière dont il est reflété à travers les motivations de cette famille. On s’intéresse d’abord à comment cette famille répond à son environnement.
Dans l’épisode 8, le dernier de la saison, vous utilisez tout de même de vraies images d’archives du conflit israélo-palestinien…
Oui, ces séquences étaient nécessaires pour dire, momentanément, « regardez, il y a un enjeu macro à tout cela« , que ce n’est pas seulement fictif. Les images documentaires qu’on a choisies, on les a prises uniquement du point de vue d’enfants. On montre que, des deux côtés, ce conflit est vu aussi par eux. Et forcément, cela fait écho au début de l’histoire, car le premier épisode commence sur la vision d’un meurtre par un enfant [Nessa Stein, petite, voit son père assassiné sous ses yeux, ndlr].
Votre personnage principal cherche à la fois la paix au Proche-Orient, mais aussi la paix intérieure…
C’est une chose de dire que l’on recherche la réconciliation, c’est une autre chose de l’atteindre en tant que personne. Nessa Stein est beaucoup testée. Je pense que son voyage est avant tout humain, et justifiable en terme de relation avec les événements de son passé.
Est-ce que vous aviez Maggie Gyllenhaal en tête quand vous avez écrit?
Non je n’écris pas comme ça. J’explore des idées, des personnalités, ou des personnes qui m’intriguent. Maggie et moi nous sommes rencontrés, et on a juste parlé. [Mon choix] n’a pas vraiment à voir avec son personnage, plutôt avec son rythme à elle [Maggie], et comment elle voit le monde. Si je sens le même rythme en elle que pour Nessa Stein, le personnage que je caste, je vais me connecter avec elle. Maggie, elle, va puiser de la confiance en ce voyage qu’elle devra entreprendre en tant qu’actrice. Alors nous deux, on a résonné ensemble.
Avez-vous eu peur que votre série soit censurée à cause de l’actualité ?
Bien sûr, si la série n’avait pas été équilibrée ou recherchée, si ça avait été un traitement superficiel, ça aurait été retiré des ondes. Mais je pense que c’est un examen sophistiqué des causes d’un conflit, à travers les relations fictives qu’on y explore.
Vous êtes parti en Israël pour faire vos recherches avant d’écrire.
Israël est un des endroits les plus merveilleux qui existe, si on a envie de s’y intéresser. Je trouve que c’est vibrant. Les gens sont engagés dans leurs vies, la jeunesse est énergique. Mais le problème est évidemment de l’autre côté de la frontière. Quand on va en Cisjordanie — car je ne pouvais pas aller à Gaza — on sent la compression économique, et ça, ça m’inquiète. Il faudrait pouvoir équilibrer les opportunités économiques. Mais Israël donne beaucoup plus que ce qu’on pense. Il y a beaucoup de comités conjoints, qui essaient de gérer l’affluence à l’intérieur de la Cisjordanie.
Pourquoi êtes-vous passionné par ces enjeux ?
C’est un truc qui me suit depuis toute ma vie. Je me suis toujours intéressé à la région, je partage une vieille fascination pour cette « irréconciliabilité » que ce conflit semble représenter. Si on prend Jérusalem, c’est un espèce de macrocosme des conflits internes que je voulais explorer avec le personnage de Nessa Stein.
La série « décolle » vraiment lors du quatrième épisode, est-ce que ce n’était pas un risque, de faire attendre le téléspectateur aussi longtemps?
C’est vrai, c’est vrai! Il faut l’avouer : j’ai beaucoup aimé le rythme de ces trois premiers épisodes, mais il sont un peu… « prudents », dirais-je. Et soudain quelque chose se passe ! Il faut être patient, pour être récompensé ensuite. Je trouve que c’est bien, c’est pour ça que la télévision de long format est très excitante, car on peut prendre des risques, on sort des rythmes qui sont attendus.
C’est sûr, on a perdu un peu d’audience, entre l’épisode 1 et 4 [lors de la diffusion au Royaume-Uni, ndlr]. Mais ensuite, c’est là où il y a commencé à avoir une vraie discussion dans la société. Au début, les gens disaient « je pense que la série est comme ça! » et après l’épisode 4 ils ont évolué, ils ont changé d’avis. Je pense que c’est là où la série a vraiment puisé sa force.
J’étais très aussi heureux de voir la série évoluer dans son message, mais aussi sur le style, le style des femmes de pouvoir. C’est devenu quelque chose de très important au Royaume-Uni! Le Guardian… (rire)
Qu’a dit le Guardian ?
Ils ont adoré regarder les vêtements de Nessa Stein (rires). Ce n’était pas les seuls, The Independant aussi, par exemple. Je me suis dit « c‘est quand même bizarre, par rapport à ce qu’on est en train de montrer ». Mais ils parlaient aussi des enjeux géopolitiques… Ils voulaient juste parler aussi de ses vêtements, et comment les femmes de pouvoir s’habillent, ce que ça renvoie comme image.
Ils analysaient beaucoup la place des femmes dans des rôles de pouvoir à la télé, alors que le genre dramatique est souvent dominé par des hommes… Prenez True Detective [saison 1, ndlr) par exemple : chaque femme que l’on voit est soit, une prostitué, une mère, ou elle est morte. Cette série est fabuleuse, mais ça, c’est quand même assez choquant. (rires)
Vos personnages féminins sont plus développés ?
Je voulais avoir des femmes qui soient légitimes, ou qui soient des fraudes, qui se sentent sexy, ou ne se sentent pas sexy, qui se sentent en contrôle, puis se sentent faibles. Mais elles sont dans des situations de pouvoir, quand même. Mes personnage ne sont pas des archétypes, ce n’est pas la « femme de pouvoir téméraire qui émascule les hommes. » Ceci dit, Janet McTeer (Dame Julia Walsh dans la série), est exactement cette « femme de pouvoir téméraire qui émascule les hommes »! (rires) Elle est à la tête du MI-6, mais en fait elle est très dépendante émotionnellement d’un personnage masculin, joué par Stephen Rea, qui correspond plus au stéréotype du « personnage féminin« , qui doit coucher pour réussir. J’ai pensé que c’était très intéressant d’explorer ça.
Dans une des masterclass que vous avez données, vous avez parlé de tous ces acteurs de cinéma qui viennent sur le petit écran. Mais il y a aussi des réalisateurs de cinéma qui se mettent aux séries. Comment le percevez-vous?
Je ne sais pas du tout. Je pense que des gens somme Soderbergh se sont trouvés un peu étouffés parmi tous ces réalisateurs de longs-métrages, et donc sont tournés vers la télévision. Ils peuvent se dire « j’en ai marre de l’industrie du cinéma, je vais à la télé »… En même temps, je pense que vous serez d’accord sur le fait que The Honourable Woman est très cinématique. Il y a souvent des grands plans avec des petits personnages dans un coin, ou des gros plans sur les visages…
Mais votre écriture est vraiment spécifique à la série…
Vous pensez ça? D’autres non. Certains disent que le fait que la série soit contemplative, c’est très cinématique. La télévision traditionnellement a besoin de plus de rythme.
Dans le genre « contemplatif », on cite souvent Mad Men.
Mad Men est tellement magnifique, elle a tellement de beauté… Ça me fait dire que la télévision, c’est vraiment un animal différent [du cinéma]. On peut encore faire des films géniaux — 12 Years a Slave est toujours un film génial par exemple — mais il y a beaucoup plus de demande en faveur d’une télévision, de qualité, robuste, ces temps-ci. Alors ce n’est pas très étonnant que les réalisateurs y aillent.
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