La pimpante nouveauté How to Get away with Murder confirme l’importance de la scénariste et réalisatrice Shonda Rhimes, reine des séries grand public.
A répéter sans cesse que le boom des audacieuses séries du câble (ou celles mises en lignes par des géants du streaming) a rendu les networks américains que sont ABC, CBS, NBC et Fox aphasiques, on en oublierait presque les exceptions à cette règle d’or. Notamment deux, les plus importantes. L’une s’appelle The Good Wife, drama judiciaire plein de swing visible sur CBS. L’autre s’incarne simplement dans le nom d’une femme, Shonda Rhimes, née à Chicago il y a quarante-quatre ans et considérée comme la reine de l’industrie, une hitmaker comme le furent avant elle Aaron Sorkin, J. J. Abrams, David E. Kelley ou encore Steven Bochco. Aujourd’hui, seul Ryan Murphy (Glee, American Horror Story, bientôt American Crime Story) pourrait lui contester la suprématie. Et encore.
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Depuis le 25 septembre dernier, Shonda Rhimes se voit dédier une soirée entière le jeudi soir sur la chaîne ABC, qui enchaîne les diffusions de Grey’s Anatomy, Scandal ainsi que de la petite nouvelle How to Get away with Murder. Trois séries créées ou produites par cette surdouée qui a commencé sa carrière en écrivant un téléfilm pour HBO (Introducing Dorothy Dandridge, 1999) et… un film pour Britney Spears (Crossroads, 2002) avant de satisfaire son goût pour les jobs trop accaparants en créant Grey’s Anatomy en 2005. Depuis, les heures de sommeil ont diminué, les succès se sont accumulés et les rares échecs ont été oubliés. Miss Rhimes prend aussi le temps d’élever trois enfants.
La recette de son irrésistible succès ? Un sens très fort de la culture populaire et des limites que celle-ci est capable de franchir, pour peu qu’on y mette du style. Si Grey’s Anatomy ressemble parfois à une bluette sentimentale, la série peut aussi être d’une tristesse infinie et n’est certainement pas nunuche dans son approche de sujets de société majeurs. Un épisode de 2011 montrait l’avortement de Cristina Yang (Sandra Oh), une rareté pour un show grand public – cela est survenu trois fois en quarante ans… Dans Scandal, qui relève souvent du soap hystérique (et néanmoins jouissif), les notions de genre et de pouvoir sont l’objet d’une étude frontale et systématique. Kerry Washington, le personnage principal, est la première Noire héroïne d’une série depuis 1974.
http://www.youtube.com/watch?v=a1112r3P3t0
A l’occasion du premier épisode de How to Get away with Murder, la critique du New York Times Alessandra Stanley a utilisé l’étrange expression « femme noire en colère » à propos de Shonda Rhimes (et virtuellement de ses personnages), provoquant l’ire de nombreux lecteurs assommés par ce racisme de base et le mépris sec de la scénariste. La polémique a eu au moins un effet intéressant : mettre en avant le caractère provocateur du travail de cette dernière. A la fois profondément pop et ancrées dans les dynamiques sociales et politiques de l’Amérique, ses séries bougent les lignes.
http://www.youtube.com/watch?v=OGVpoXLeHTM
Située dans une fac de droit et créée par un collaborateur de longue date de la patronne, Peter Nowalk, How to Get away with murder mélange tous les aspects marquants de la touche Rhimes : un tempo ahurissant, des retournements incessants autour d’affaires sulfureuses, mais aussi une joie communicative à inventer des circulations et des combinaisons entre diverses origines et orientations sexuelles assez éblouissante.
A force de les creuser, Shonda Rhimes explose les stéréotypes. Au point qu’elle peut se permettre une sortie comme celle-là : « Je trouve les questions de race et de genre terriblement importantes, elles me constituent en tant que personne. Mais il y a quelque chose dans le fait que le reste du monde ne parle que de cela qui m’exaspère. » Voilà une femme qui a le sens du dialogue acéré.
How to Get away with Murder le jeudi sur ABC
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