Dans sa cinquième saison, Homeland ne se pose plus la question de la séduction, au chevet de son héroïne désormais installée à Berlin.
La religion de la nouveauté provoque d’étonnantes situations : une série dépassant les trois ou quatre saisons se retrouve étiquetée “ancêtre”. Quand elle a traversé des périodes difficiles, l’air du temps la regarde carrément comme une survivante. Parmi les spectateurs, ceux qui ont décroché, lassés – c’est même arrivé à Mad Men –, croisent les autres qui continuent à ouvrir les yeux, par fidélité aux personnages et à eux-mêmes. On les comprend. On en fait partie.
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Homeland a entamé cet automne sa cinquième saison, la deuxième sans le personnage de Brody, ex-amant de l’héroïne Carrie Mathison et père de sa petite fille. Les peaux mortes ont laissé place à un monde fictionnel angoissé, un monde d’après, où tous les liens construits au fil des premières saisons n’ont plus vraiment cours. La perte du lien, sa reconstruction éventuelle, voilà un beau sujet, même pour une série d’espionnage parano à l’ère du jihadisme.
Mission douloureuse
Deux ans après une mission douloureuse au Pakistan, la blonde bipolaire habite Berlin, ville de parcs, d’espions et de guerre froide. Ville d’apaisement, aussi ? Elle habite avec sa fille qu’elle emmène à l’école. Son boyfriend est un homme d’intérieur attentionné aux cheveux roux – un vrai trait d’humour en référence à Brody, mais aussi une façon mélancolique d’appuyer la monomanie du personnage.
Carrie a quitté la CIA depuis deux ans, elle travaille pour un industriel local en lien avec le Moyen-Orient, dirigeant ses affaires de sécurité. Dans la capitale allemande se trouve aussi son ancien mentor Saul, désormais responsable de l’agence de renseignement américain en Europe. Au début de la série, il se comportait en deuxième père pour Carrie. Maintenant, c’est un homme dur, tendu, au regard noir.
Au plus près de l’actualité anxiogène
L’une des plus belles scènes du premier épisode montre une engueulade mémorable entre les deux. Enfin, il y a Quinn, l’ancien collègue et amoureux potentiel voué aux tâches les plus discutables, celles qui consistent à mettre une balle dans la tête de cibles choisies clandestinement par ses patrons de la CIA. Personne ne le défendra s’il se fait prendre. Voilà pour le décor.
L’intrigue de cette cinquième saison, toujours au plus près des pulsations de l’actu anxiogène, navigue entre menaces d’attentats, terroristes islamistes et trahisons. On y ajoute une affaire de “leaks” concernant des documents secrets entre Allemagne et Etats-Unis. C’est parfois lourd, parfois captivant. Mais on ne regarde pas une série comme on lirait un journal.
Le réveil des démons
L’essentiel se niche évidemment ailleurs. Dans le réveil des démons de Carrie qui se profile. Surtout, dans l’étrange atmosphère qui domine, cette noirceur ahurie, une manière de figer les uns et les autres dans la boue de leurs problèmes. Privilège de l’âge, Homeland n’a plus que faire des questions de séduction, de style, de crédibilité. Elle reste collée à ses motifs et à ses figures, asséchées jusqu’à l’os.
Tout n’est pas réussi. On touche parfois à la caricature, quand les rebondissements rappellent les heures les moins intéressantes de 24 heures chrono. Pourtant, quelque chose se dessine au-delà de la surface et nous rattrape toujours. C’est un plan qui dure un peu plus qu’il ne le devrait. C’est le visage de moins en moins séduisant de Carrie, par instants presque monstrueux. C’est la certitude que toute cette histoire se terminera par des ravages.
Dans le troisième épisode, le petit ami de Carrie lui demande comment elle parvient à vivre avec toutes les horreurs qu’elle a vues, avec toutes celles dont elle est responsable. On se le demande aussi. C’est pourquoi on regarde encore Homeland.
Homeland le mardi à 22 h 15 sur Canal+ Séries
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