La retour de la série parano pour une troisième saison est l’occasion d’une reformulation de tous ses enjeux. Déstabilisant mais passionnant.
L’amour des séries prend souvent des tournures à la fois fascinantes et légèrement outrancières. Quand Breaking Bad, qui vient de se terminer aux Etats-Unis, recueille une litanie d’éloges sans fausse note ou presque, comme si nous habitions en Corée du Nord – quelle série peut mériter 100 % de compliments ? –, l’ex-sensation Homeland s’est retrouvée, deux ans après ses débuts en fanfare, accusée de tous les maux. Les frémissements du mauvais buzz ont commencé au cours de la deuxième saison, quand les souffrances de son héroïne amoureuse, bipolaire et agent de la CIA, Carrie Mathison, sont apparues subitement comme surjouées, moins convaincantes que la parodie qui en était faite au même moment dans la célèbre émission satirique Saturday Night Live.
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Homeland devenait une série prometteuse ayant retourné ses atouts contre elle-même en les usant jusqu’à la corde. L’hystérie faite fiction ? Même si les attaques, principalement made in internet, n’ont pas totalement découragé les amateurs de jeter un oeil au début de la troisième saison (l’épisode 301, diffusé le 29 septembre, a réalisé un excellent score d’audience), la passion pour Homeland semble être devenue une maladie honteuse. Ce qui tombe plutôt bien, étant donné que la maladie se trouve au coeur de cette adaptation de plus en plus infidèle de la belle série israélienne Hatufim. Les premiers épisodes de la troisième saison en font même leur sujet principal, leur douleur. Au point que l’on peut se demander par association d’idées (mais pas seulement) si on ne tient pas là une “grande série malade”, comme on dit “grand film malade”.
Des personnages « survivants »
L’expression, qui désigne des chefs-d’oeuvre brinquebalants, voire vérolés de l’intérieur, a été inventée par François Truffaut, qui prit notamment pour exemple Pas de printemps pour Marnie d’Alfred Hitchcock (1964). De fait, Homeland est depuis longtemps une série aussi instable que le monde et les personnages qu’elle décrit. En interne, elle a subi récemment quelques secousses : la mort d’un pilier de sa salle d’écriture (Henry Bromell, RIP) ainsi que le départ de plusieurs scénaristes importants comme Meredith Stiehm. La nouvelle salve d’épisodes commence quelques semaines après l’attentat qui a ravagé une partie de la CIA, laissant plusieurs centaines de cadavres, dont une part non négligeable de cadres aguerris du renseignement – la pire attaque terroriste sur le territoire américain depuis le 11 Septembre. Carrie Mathison a arrêté de prendre ses médicaments. Elle se retrouve malmenée par une commission d’enquête, tandis que son mentor Saul est devenu patron de la CIA par défaut, simplement en ne mourant pas. Tenu pour responsable de l’attaque, Nicholas Brody, qui avait allumé la mèche au tout début de la série – libéré après sept ans de captivité aux mains d’islamistes, ce marine était soupçonné d’avoir changé de camp –, a fui depuis longtemps. Il a laissé derrière lui une famille éplorée, dont une fille adolescente, Dana, qui a tenté de se suicider.
Tous sont à leur manière des survivants. Le fondement mélodramatique d’Homeland, la relation entre Carrie et Brody, n’a plus lieu d’être pour l’instant. A la place, la série ausculte le destin de personnages en convalescence, comme elle. Carrie et Dana ne se parlent pas mais elles sont ensemble en première ligne : deux femmes, deux dépressions, deux tentatives de recommencer à respirer. Alors que Brody, acteur majeur des saisons inaugurales, n’apparaît pas avant le troisième épisode, Homeland semble avoir fait table rase du passé. Il faut du temps pour le comprendre et l’accepter – la première partie du premier épisode est quasi décourageante – mais ce geste est d’un courage fou.
http://www.youtube.com/watch?v=iXOUIsu-E0Q
Homeland saison 3, prochainement sur Canal+
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