Variation new-yorkaise sur les traces d’un revendeur de weed, la série s’est employée à dégager une atmosphère douce et relachée. Même si la saison 2 obscurcit le tableau.
Depuis son surgissement en 2016 sur HBO après une première vie sous forme de websérie, High Maintenance a occupé avec quelques autres comme Easy, Insecure ou Master of None la place de petit bonbon indie que l’on retrouve maintenant sur les écrans télé ou de streaming, à défaut d’en voir aussi souvent qu’avant au cinéma.
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Créée par Katja Blichfeld et Ben Sinclair, cette traversée de New York dans les pas d’un livreur de beuh à domicile refuse les cliffhangers, les arches narratives trop construites et les rebondissements systématiques, pour imposer une manière de raconter des histoires que pas mal de dirigeants de chaînes qualifieraient de lâche, flottante, voire délurée.
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Une intrigue et des corps nouveaux apparaissent à chaque épisode
Le mot le plus utilisé dans l’industrie pour définir cette approche est celui de “chronique”. Un gros mot pour certains, qui s’impose pourtant ici dans toute sa poésie et son audace potentielles, à mesure que se joue pour le spectateur ou la spectatrice une nouvelle façon de s’accrocher à la fiction, plus atmosphérique, plus en phase avec le rythme de la vie.
On revient à High Maintenance moins pour des personnages récurrents – il y en a peu, souvent noyés dans la masse – que pour une lumière spécifique, un rythme, une conception ouverte du récit comme à la fois restreint et sans limites. Les créateurs ont choisi le vieux format de l’anthologie, où une intrigue et des corps nouveaux apparaissent à chaque épisode. Cela leur donne une liberté folle mais aussi une exigence de précision.
Puisque l’empathie ne peut pas se jouer en priorité sur des trajets intimes au long cours, chaque plan doit raconter une histoire. Nous voilà devant une série minutieuse et attachée aux moindres gestes des femmes et des hommes qu’elle met en scène. High Maintenance crée aussi de la récurrence en travaillant des motifs qu’elle reproduit dans plusieurs épisodes.
Un art de la suspension propre à la stoner comedy
On voit par exemple dans cette deuxième saison, encore plus riche que la première, de nombreuses scènes collectives, repas, soirées, longues discussions, qui donnent l’impression de revenir à la maison, même si cette maison est mouvante, multiforme, non localisable.
Cet art de l’errance est aussi en toute logique un art de la suspension. High Maintenance, comme son nom et son imaginaire l’indiquent, emprunte aux codes de la stoner comedy, où les personnages sont défoncés et les portes de la perception s’ouvrent sur plusieurs directions.
Ici, tout le monde fume et regarde le réel différemment, jusqu’à créer un genre d’univers parallèle dans les interstices de la normalité. La série met en avant des corps queer, une diversité de couleurs de peau et de statuts sociaux qui en fait une oasis de douceur et d’étrangeté.
Elle met en avant son goût pour les mélanges et les parallèles étonnants, comme dans cet épisode centré sur des juifs orthodoxes et des performeurs drag. Plusieurs manières de se représenter, de s’inventer, de se mettre en scène comme des êtres de désir, sont représentées, même si la série choisit toujours son camp : le plus progressiste.
Une catastrophe jamais identifiée
Le premier épisode de cette deuxième saison donne une dimension politique à cette approche. Nous sommes quelques heures après une catastrophe et plusieurs personnes plongées dans une activité quotidienne, manger, faire l’amour, apprennent la nouvelle, immédiatement terrassées. Jamais il n’est dit de quoi il s’agit exactement.
Attaque terroriste ? Election de Trump ? Le doute demeure, un trouble s’installe. High Maintenance devient à ce moment-là provocante et étrangement contemporaine de nos incertitudes collectives. Et si elle peut parfois s’égarer dans une forme de complaisance avec elle-même, en se regardant être si cool et hipster, une profondeur vient toujours la remettre debout. D’où vient son secret ?
Peut-être des ondes issues de la rupture entre Ben Sinclair et Katja Blichfeld, qui formaient un couple à la ville comme au travail, avant que cette dernière ne fasse son coming-out en tant que lesbienne. C’est arrivé juste avant l’écriture de cette saison. La mélancolie d’un monde qui s’écroule est palpable partout.
High Maintenance Saison 2 le samedi à 22 h 25 sur OCS City
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