La saison 2 de « The Handmaid’s Tale » pousse encore un peu plus loin sa réflexion sur le patriarcat et la place des femmes dans le système. Elle sera diffusée sur Hulu à partir du 26 avril prochain et dès le lendemain sur OCS
Adaptée du grand roman de Margaret Atwood publié en 1985, The Handmaid’s Tale, a trouvé un écho tout particulier lorsque la première saison fut diffusée pendant que Trump accédait au pouvoir. Alors qu’aux Etats-Unis, les droits sexuels et reproductifs des femmes sont menacés (le vice-président Mike Pence a déclaré que les avortements seraient bannis à notre époque), la série de Bruce Miller nous laisse imaginer grâce à sa dystopie ce qui arriverait aux femmes dans un monde patriarcal extrême. La saison 2 n’a plus comme canevas les mots de l’autrice, puisque son œuvre n’a pas connu pas de suite, mais se fabrique en résonance avec d’autres mots. Ceux prononcés par nos politiques, ceux imprimés dans nos journaux. Dans les deux premiers épisodes de cette saison 2 (les seuls vus au moment de l’écriture de cet article) la série explore de nouveaux territoires géographiques tout en poussant sa réflexion sur le patriarcat et la place des femmes dans ce système.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
This Woman’s Work
La saison s’ouvre avec les codes visuels anxiogènes qui ont fait le succès de la série d’Hulu (et agacé d’autres). Alors que les servantes se préparent à être exécutées collectivement, leurs robes rouges tournoient au ralenti, et leurs visages apeurés de bêtes traquées sont scrutés par une caméra à l’épaule. Elles sont alignées en demi-cercle dans un stade à cause d’une rébellion initiée par Offred (magistrale Elisabeth Moss), qui avait encouragé les autres à lâcher la pierre qu’elles tenaient pour lapider- sous les ordres de Tante Lydia- la borgne Janine. Des cordes sont glissées autour de leurs cous, la voix cristalline de Kate Bush accompagne cette vision d’horreur. Les paroles de son tube This Woman’s Work résonnent pendant plusieurs minutes.
Le travail. Le travail d’une femme, mais aussi des femmes, sera donc l’hymne de cette saison. Le travail forcé dans un camp où Emily/Ofglen (Alexis Bledel), rescapée d’une clitoridectomie pour avoir eu des relations homosexuelles, tente de survivre avec d’autres condamnées. Le travail corporel de June/ Offred qui voit son ventre se transformer (on apprenait qu’elle était enceinte de Nick, le chauffeur de sa maison à la fin de la saison 1). On devine que cette saison s’interrogera sur la réappropriation de son corps pendant sa grossesse. D’ailleurs, le processus de reprise de contrôle de sa chair violée commence dès le premier épisode alors qu’elle s’arrache avec une paire de ciseau la puce poinçonnée dans son oreille- ce qui rappelait le baguage d’un animal. Mais aussi le travail des femmes d’un temps révolu. Dans le deuxième épisode, June se retrouve dans les locaux désaffectés du Boston Globe, une rédaction en ruine où les vestiges d’un journal papier hantent chaque plan. Elle trouve une chaussure à talon, sûrement tombée du pied d’une journaliste quelques secondes avant d’être tuée. Une nouvelle version de Cendrillon. Les enjeux de cette saison deux se dessinent donc autour d’un double enjeu : se battre pour redevenir humaine, pour avoir le droit à une voix et à un corps alors que la démocratie, elle, est devenue fantôme.
https://www.youtube.com/watch?v=dKoIPuifJvE
De la sororité aux traîtresses
Alors que la première saison mettait en scène la puissance de la sororité, de ces femmes s’alliant pour s’opposer au patriarcat incarné par la République de Gilead, les deux premiers épisodes montre ce qui divise les femmes. Entre celles qui portent du rouge, réduites au rang d’esclaves, et celles qui portent du vert, obéissant à leur mari en facilitant les viols des autres, la rupture est consommée. Dans l’épisode deux, qui se déroule sur un camp de travail, une de ces femmes de dirigeants (Marisa Tomei) va se retrouver dans une situation où elle n’a plus le pouvoir. Pour avoir fauté en tant qu’épouse, elle est envoyée dans cette colonie où elle devient à son tour une minorité. La seule « verte » parmi toutes les rouges.
Encore une fois, la série a un temps d’avance sur son époque et semble s’emparer d’une question qui met mal à l’aise dans les suites de l’affaire Weinstein. Que faire de toutes les femmes qui ont collaboré avec un système où d’autres femmes étaient traitées comme des objets à cause de leur sexe ? Que faire de celles qui se taisent pour protéger les hommes de pouvoir, de celles qui savent l’horreur mais qui en ne disent rien ? La fiction tranche clairement. Pas de traitement de faveur, celles qui n’ont pas fait preuve de sororité doivent être jugées. Même être mises au pilori.
En filigrane, la série articule un discours encore trop rare autour de la part de responsabilité des femmes dans le maintien d’un système patriarcal. La possibilité même d’une solidarité féminine en temps de crise devient un enjeu central. Comment ne pas opposer deux camps, entre celles qui se battent pour se faire entendre et celles qui acceptent que les autres soient muselées ? Les héroïnes de The Handmaid’s Tale ne sont plus des victimes solidaires. Elles sont devenues des guerrières justicières. La violence ne reste plus masculine, elle a basculé du côté du féminin. There will be blood.
La saison 2 de The Handmaid’s Tale sera diffusée dès le 26 avril sur OCS Max en US+24
{"type":"Banniere-Basse"}