Après quelques tâtonnements, la nouvelle série de AMC a fini par trouver son rythme, entre extravagance et réflexion sur l’innovation dans le monde de l’informatique.
Que les amateurs de finesse et de modestie passent leur chemin. Halt & Catch Fire est une série extravagante, qui n’hésite pas à en faire trop pour happer le téléspectateur dans son univers tordu et compliqué. Le monde de l’informatique au début des années 1980 n’a jamais paru aussi inaccessible et pourtant, on se prend de passion pour un trio de personnages persuadés qu’ils sont capables de concurrencer IBM en lançant leur propre PC.
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A trop abuser des filtres sépia et des grands discours faussement passionnés, la nouvelle série de AMC (qui a perdu Breaking Bad l’an dernier et dira adieu à Mad Men en 2015) nous avait fait un peu peur à ses débuts. Lee Pace endosse un costume à l’opposé du gentil niais qu’il incarnait dans Pushing Daisies : arrogant, sans scrupule, menteur, bodybuildé, il est le vendeur hyperactif qui sert de moteur au projet. Un personnage qui a mis du temps à évoluer pour se détacher de son image de « mâle alpha », véritable boule de testostérone qui évacue le stress en cognant sur des voitures et brisant des fenêtres.
« Incarner le futur »
Heureusement pour elle, la série opère un revirement salutaire à la mi-saison. Passés les premiers épisodes qui trainent en longueur, l’intrigue s’accélère brusquement entre les ébauches de conception du PC et sa mise en vente. Soudain, Joe MacMillan (Lee Pace) n’est plus le cliché des premiers jours. Il montre enfin des signes de faiblesses (voire d’épuisement), entrecoupés de sursauts de déontologie.
L’envie de construire un ordinateur « moins cher et plus léger » pour s’en mettre plein les poches n’est plus sa seule motivation. Poussé par Cameron, la petite génie de 23 ans dont il tombe amoureux, Joe ne cherche plus à battre ses concurrents mais à « incarner le futur ». En l’occurrence, créer un ordinateur capable d’interagir avec son utilisateur. Il ne s’agit plus de chercher la prouesse technologique qui deviendra obsolète six mois plus tard, mais de changer le monde. Quitte à mettre le feu à un camion rempli d’ordinateurs dernier cri car ils ne représentent pas assez l’avenir (le titre de la série annonçait la couleur).
La série ne s’encombre pas de fausse humilité : ses personnages ont tout compris, avant tout le monde. Le PC portable n’existe pas encore que Cameron est déjà en train de développer les prémices de l’Internet. Qu’importe : on parvient à oublier ce péché d’orgueil tellement le rythme est effréné et les ambitions grandes.
Des personnages féminins fouillés
La troisième tête pensante de l’opération, Gordon Clark (Scoot McNairy), vit quant à lui en décalage, perdu dans ses pensées, alternant coups de génie et phases de dépression. Seule sa femme (la rayonnante Kerry Bishé) semble comprendre son potentiel et réussir à le supporter malgré ses moments de délires. Voilà également la bonne surprise de Halt & Catch Fire : malgré le milieu très fermé auquel la série s’intéresse, les personnages féminins sont fouillés et se révèlent rapidement indispensables à la résolution de l’intrigue.
Comme sa petite sœur comique Silicon Valley, Halt & Catch Fire prend de l’épaisseur à mesure que ses héros sortent de leurs bureaux et se confrontent à leurs concurrents, notamment sur les stands de démonstration et salons informatiques. On y perçoit alors les enjeux mondiaux qui se cachent derrière les circuits imprimés et les écrans LCD.
Difficile de savoir si cela sera suffisant pour que la série soit sauvée de l’annulation : malgré son côté divertissant, elle a peiné à convaincre les téléspectateurs, qui n’ont pas été nombreux à la suivre. Toutefois, considérant le manque d’ambition de la fin du dernier épisode (un cliffhanger énigmatique sans prétention), on se demande si ça ne serait pas mieux ainsi.
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