Edition placée sous le signe de l’affaire Weinstein, les Golden Globes 2018 ont été marqués par le triomphe de “Big Little Lies” et de “The Handmaid’s Tale”, deux séries au cœur de cette actualité, mais également par l’intervention pleine d’ardeur d’Oprah Winfrey qui s’affirme comme la parfaite antithèse de l’Amérique de Donald Trump.
Il s’agit à n’en pas douter d’une édition historique des Golden Globes. Chambre d’écho des remous qui agitent l’industrie du cinéma américain et plus généralement des préoccupations de la société américaine dans son ensemble, la cérémonie qui précède de près de deux mois les Oscars se présente cette année comme la somme de trois mois d’intense remise en question des rapports hommes-femmes. Au-delà d’un palmarès aussi réjouissant que plein de surprises, c’est par sa dimension politique que la soirée restera dans les mémoires.
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Time’s up et Black Carpet
Le ton était donné avant même le début de la cérémonie. La quasi-totalité des femmes avaient troqué leurs habituelles tenues bariolées pour la sobriété du noir, en soutien aux femmes victimes de harcèlement. Le traditionnel tapis rouge y prit alors des allures de funérailles, les funérailles d’une industrie et d’une société dominées par le silence et les abus de certains hommes sur la plupart des femmes. Si leur smoking de rigueur empêchait les hommes de les imiter, ils étaient nombreux à porter un pins “Time’s up” (“c’est fini”), slogan asséné tout au long de la soirée pour signifier qu’il y aura bien un avant et un après affaire Weinstein, qu’une nouvelle ère commence.
Les bannis de la cérémonie
Des dispositions avaient été prises pour donner à cette dimension politique une vraie cohérence. Fini la Miss Golden Globes, dénomination appartenant à un autre âge. A partir de cette édition 2018, le maître de cérémonie sera assisté d’un “ambassador” de soirée. Si la première du nom est une femme – la fille de Dwayne Johnson –, cette nouvelle nomenclature rend l’emploi accessible aux hommes. De plus, le potentiel trouble-fête Casey Affleck, qui devait remettre un Golden Globe, a été écarté de la cérémonie au profit du duo d’actrices de Thelma et Louise (1991), Geena Davis et Susan Sarandon, tout un symbole. Bannis évidemment aussi, Harvey Weinstein, qui faisait encore il y a peu la pluie et le beau temps à Hollywood, et Kevin Spacey, qui était reparti il y a trois ans avec le Golden Globe du meilleur acteur dans une série dramatique, ont été l’objet des blagues du maître de cérémonie Seth Meyers tout au long de la soirée.
Oprah Winfrey présidente ?
Lors de son speech d’ouverture un peu timide (ses saillies contre Trump étaient moins inspirées que celles auxquelles il nous avait habitués dans son Late Show), Seth Meyers a d’ailleurs peut-être formulé tout haut et devant des millions de téléspectateurs américains ce qui se murmurait dans les coulisses de la cérémonie : et si Oprah Winfrey devenait la première présidente des Etats-Unis ? L’animatrice, productrice et actrice était à l’honneur de cette édition 2018 puisqu’elle venait y chercher le Cecil B. DeMille Award, devenant ainsi la première femme noire à recevoir cette récompense. Son discours constitue à n’en pas douter le point culminant de la soirée. Si Carol Burnett, Kirk Douglas (et ses 101 ans !) et Barbra Streisand ont chacun eu droit à une standing ovation, une Oprah habitée a fait lever le public du Beverly Hilton Theater pas moins de trois fois. Véritable discours politique, il résumait à lui seul la soirée.
“Pour que plus personne n’ait à dire ‘me too’”
Convoquant à la fois les problèmes de harcèlement, de racisme et d’atteinte aux libertés de la presse, il est peut-être l’acte fondateur de la future candidate qui l’acheva en appelant de profonds changements sociaux “pour que plus personne n’ait à dire ‘me too’« . De Frances McDormand à Nicole Kidman en passant par Reese Witherspoon, de nombreuses prises de parole sont allées dans ce sens, mais c’est sans doute Natalie Portman qui a été à la fois la plus virulente et la plus concise. Venue remettre le Golden Globe du meilleur réalisateur, l’actrice a souligné l’absence de femme dans cette catégorie en introduisant les candidats d’un très sec “voici les cinq hommes nominés”.
Et le palmarès dans tout ça ?
Cette dimension politique se retrouve fort heureusement dans le palmarès, tout du moins pour les séries. Témoignant du mouvement général (d’audience, de capitaux et à présent de connexions avec les problématiques sociétales) du cinéma vers la série, le triomphe de Big Littles Lies et de The Handmaid’s Tale, qui ont raflé à elles deux plus de la moitié des récompenses destinées aux séries, a anticipé avec une sidérante acuité cette libération de la parole des femmes. Il s’agit au passage de la première récompense – meilleure série dramatique – pour une série originale Hulu, ce qui fait de la plateforme un adversaire plus que jamais crédible face à Amazon et Netflix. Il s’agit également du second Golden Globe de la meilleure actrice pour Elisabeth Moss, quatre ans après celui obtenu pour Top of the Lake.
TV shows aren’t so white
Comparé au palmarès cinéma qui a boudé Get out, le palmarès série prend en compte la polémique autour du #OscarsSoWhite qui avait agité la cérémonie reine l’an dernier, en témoignent les réjouissants Golden Globes de meilleur acteur dans une série dramatique et dans une série comique, respectivement décernés à Sterling K. Brown de This is Us et au tout aussi surpris que nous Aziz Ansari de Master of None.
Le triomphe de Big Little Lies sauve les chaînes télévisées
Si la très réussie The Marvelous Mrs. Maisel a raflé les Golden Globes de meilleure série comique et de meilleure actrice dans une série comique, et si Ewan McGregor a reçu son premier Golden Globe pour son rôle dans Fargo, toutes les récompenses restantes sont allées à Big Little Lies. Pour sa première nomination, Alexander Skarsgard est reparti avec le Golden Globe de meilleur second rôle tandis que Laura Dern et Nicole Kidman, deux actrices qui auront marqué 2017 de leur empreinte, ont chacune remporté leur quatrième Golden Globe pour leur rôle dans cette série star de la soirée. Un succès qui permet aux chaînes télévisées de repartir de la cérémonie avec un bilan équilibré face aux plateformes de streaming (5 à 6), malgré les déconfitures de Game of Thrones et Twin Peaks.
Lady Bird et 3 Billboards – Les Panneaux de la vengeance, surprenants vainqueurs du palmarès cinéma
On attendait Get out, Pentagone Papers, Dunkerque, Call Me by Your Name et surtout The Shape of Water, mais c’est Lady Bird et 3 Billboards – Les Panneaux de la vengeance qui les ont battus. Et ce sont les femmes qui ont été les ambassadrices de ce succès puisqu’en plus des Golden Globes de meilleur drame et de meilleure comédie, leurs actrices principales ont également été récompensées, respectivement des Golden Globes de meilleure actrice dans un drame pour Frances McDormand et de meilleure actrice dans une comédie pour la jeune Saoirse Ronan. Quant aux hommes, Gary Oldman a, pour sa première nomination à bientôt 60 ans, remporté le Golden Globe de meilleur acteur dans un drame pour son incarnation (toute en make-up) de Winston Churchill dans Les Heures sombres, tandis que James Franco a remporté son deuxième Golden Globe pour The Disaster Artist, seize ans après Il était une fois James Dean.
Le Mexique à l’honneur une nouvelle fois
Après Alfonso Cuaron en 2014 et Alejandro González Iñárritu en 2016, le Mexique réalise la passe de trois avec Guillermo del Toro qui remporte en 2018 la récompense de meilleur réalisateur, l’un des deux Golden Globes décernés à The Shape of Water (le second étant attribué au compositeur français de la musique du film, Alexandre Desplat) sur les sept qu’il était en mesure de remporter. On retrouve ce pays frontalier des Etats-Unis au palmarès avec le film d’animation signé Pixar, Coco.
Une grosse surprise pour finir
Le palmé The Square partait largement favori mais c’est In the Fade de Fatih Akin qui s’est imposé dans la catégorie du meilleur film étranger. Malgré un accueil plutôt frais à Cannes, ce film porté par Diane Kruger semble avoir plu aux votants de la Hollywood Foreign Press Association. Il permet au réalisateur turco-germanique de 44 ans de recevoir sa première récompense sur le sol américain.
Palmarès complet cinéma :
Meilleur film dramatique : 3 Billboards – Les Panneaux de la vengeance
Meilleure comédie : Lady Bird
Meilleur acteur dramatique : Gary Oldman, Les Heures sombres
Meilleure actrice dramatique : Frances McDormand 3 Billboards – Les Panneaux de la vengeance
Meilleur acteur dans une comédie : James Franco, The Disaster Artist
Meilleure actrice dans une comédie : Saoirse Ronan, Lady Bird
Meilleur acteur dans un second rôle : Sam Rockwell, 3 Billboards – Les Panneaux de la vengeance
Meilleure actrice dans un second rôle : Allison Janney, Moi, Tonya
Meilleur réalisateur : Guillermo del Toro, The Shape of Water
Meilleur film en langue étrangère : In the Fade
Meilleur scénario : Martin McDonagh, 3 Billboards – Les Panneaux de la vengeance
Meilleur film d’animation : Coco
Meilleure chanson : The Greatest Showman
Meilleure bande originale : Alexandre Desplat, The Shape of Water
Palmarès complet série :
Meilleure série dramatique : The Handmaid’s Tale – La Servante Ecarlate
Meilleur acteur dans une série dramatique : Sterling K. Brown, This is Us
Meilleure actrice dans une série dramatique : Elisabeth Moss, La Servante Ecarlate
Meilleure série comique : The Marvelous Mrs. Maisel
Meilleur acteur dans une série comique : Aziz Ansari, Master of None
Meilleure actrice dans une série comique : Rachel Brosnahan, The Marvelous Mrs. Maisel
Meilleur film de télévision ou mini-série : Big Little Lies
Meilleur acteur dans une mini-série ou un film de télévision : Ewan McGregor, Fargo
Meilleure actrice dans une série télévisée ou un film de télévision : Nicole Kidman, Big Little Lies
Meilleur second rôle masculin dans une série télévisée ou un film de télévision : Alexander Skarsgard, Big Little Lies
Meilleur second rôle féminin dans une série télévisée ou un film de télévision : Laura Dern, Big Little Lies
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