Cette série post-ado de E4, la chaîne de “Skins”, dresse le portrait d’une jeunesse anglaise rurale blessée par la vie. A découvrir sans tarder en DVD.
Une bonne série anglaise ne fait jamais de mal. La règle existe depuis cinquante ans et ne semble pas près de changer, quels que soient la météo, le cours de la livre et le niveau des productions américaines. Une sorte de constante à vérifier sans risque de se tromper, tant, historiquement, la télé made in UK a proposé le haut du panier dans tous les genres possibles et imaginables. Reste à savoir quand la France sera capable sinon de la rattraper, du moins de rivaliser avec elle – mais c’est une autre histoire.
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Revenons à nos Brits. Prenons Glue. L’histoire d’un groupe d’amis dont la principale occupation semble être de se défoncer dans un silo. Des post-ados qui jouent avec l’ennui des campagnes, avec la drogue, avec leur vie. Jusqu’au moment – on ne vous dévoile rien d’interdit par les lois du spoiler, tout cela se déroule dans le pilote – où l’un d’eux, Cal, meurt assassiné. Il est retrouvé le visage contre la boue.
Jeunes femmes et jeunes hommes au naturel fou
Une teen-série croisée avec une enquête au long cours ? On a vite fait d’assimiler les huit épisodes de Glue à un croisement bizarre entre Skins et Broadchurch. Dans le fond, ce n’est pas tout à fait faux. Le scénariste et créateur Jack Thorne est un trentenaire venu du théâtre, qui a fait ses armes sur le petit écran en écrivant This Is England ’86 (2010) avec Shane Meadows, après avoir participé au beau bordel nommé Shameless auprès de Paul Abbott. Il est également connu pour avoir scénarisé plusieurs épisodes de Skins – y compris dans la première saison mythique –, la série ado anglaise qui a donné le ton pour la représentation actuelle des 14-20 ans, de plus en plus subtile, dure et réaliste.
On retrouve ces fondamentaux dans Glue, mais la filiation avec la création de Bryan Elsley et Jamie Brittain prend d’autres formes que l’hommage direct. Le casting n’aurait sans doute jamais été le même sans Skins. On y croise des jeunes femmes et hommes d’un naturel fou, comme l’ambigu Jordan Stephens et la bombe rousse Charlotte Spencer, dont les manières haut de gamme et le visage tendu restent longtemps gravés. Regarder des acteurs se révéler – même s’ils ne sont pas complètement débutants – produit un effet majeur. Les découvertes de l’enquête (celle-ci se révèle complexe et très bien construite) sont aussi les leurs. Ils se cherchent, nous les trouvons. L’effet première fois joue à plein.
Décor à couper le souffle
La tentative de résolution du meurtre de Cal lève des lièvres intimes parfois intolérables pour les personnages. Dans la tradition anglaise, les tensions sociales sont naturellement amarrées à la fiction – il est question d’une famille rom, notamment –, mais Jack Thorne prend soin de ne pas surligner ses effets. L’étude de caractères reste sa priorité. L’atmosphère aussi.
Beau joueur, il laisse à l’expérimenté réalisateur Daniel Nettheim (quatre épisodes, les deux premiers ainsi que les deux derniers) le temps nécessaire pour tirer le meilleur du brouet narratif mis à sa disposition. L’action au rythme évolutif s’inscrit dans un décor à couper le souffle. La campagne est lumineuse, les couleurs souvent saturées, les corps saisis dans leur brutalité et leur essence sexuelle.
Glue réussit à se montrer aussi bucolique que noire, à coups de trahisons, de désirs contrariés ou révélés trop tard. Le dernier épisode carrément western boucle l’affaire en beauté. Il donne envie de revoir le travail de Jack Thorne au plus vite. Joie : cet homme est l’unique scénariste de la future série de Canal+, Panthers, qui s’intéresse au célèbre gang de voleurs de bijoux serbes ayant sévi place Vendôme et ailleurs à la fin des années 2000. Diffusion cet automne.
série créée et écrite par Jack Thorne (Wild Side), environ 30 €
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