Un show de catch féminin dans les bas-fonds de l’usine à rêves au cours des années 1980 sert de décor à une réflexion sautillante sur le genre et les stéréotypes.
Vers le milieu des années 1980, la télé américaine a produit une de ces émissions too much dont elle a le secret. GLOW (Gorgeous Ladies of Wrestling) mettait en scène des aspirantes actrices et mannequins dans une compétition de catch plus folle qu’un soap opera. La mère de Sylvester Stallone, Jackie, a paraît-il été impliquée dans cette aventure née à Las Vegas, royaume du kitsch et du faux made in America.
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La créatrice d’Orange Is the New Black, Jenji Kohan, a décidé de produire une série racontant les coulisses de ce moment singulier de l’histoire de la pop culture, grâce à une ancienne scénariste de Nurse Jackie, la dramaturge Liz Flahive, qui s’occupe de tout au quotidien.
De Las Vegas à Los Angeles
La première décision de l’équipe créative a consisté à transposer ce grand cirque féminin de la ville des casinos et de l’électricité vers celle des studios et de l’entertainment. Il y a moins de 500 kilomètres entre Vegas et Los Angeles, mais le déplacement transforme tout : la lumière, la géographie, la mythologie. Le personnage principal de Glow s’appelle Ruth (la désarmante et subtile Alison Brie, vue dans Mad Men et Community).
Nous percutons dès les premières images sa vie compliquée de comédienne en quête de rôles, lancée dans le grand marché aux apparences. Embauchée pour participer à une émission de catch féminin, sous la direction d’un réalisateur de série B – voire Z – aux grandes idées mais aux moyens minuscules, elle se retrouve assez loin de ses rêves d’absolu en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire.
Dans un motel minable de la Valley – ce lieu de Los Angeles où se retrouvent les soutiers du business, loin du glamour, de l’autre côté de Mulholland Drive –, les comédiennes/catcheuses sont réunies. Ruth choisit un lit au-dessus duquel trône un vieux poster de Katharine Hepburn circa années 1930.
Que ce soit via cette référence directe ou à travers les aléas du réalisateur bientôt confronté à un producteur lui demandant de “tout simplifier” dans son scénario, la série reprend avec mélancolie et justesse certains codes d’un microgenre : le récit sur Hollywood et ses dessous. Celui-ci a donné quelques chefs-d’œuvre comme Les Ensorcelés de Vincente Minnelli en 1952.
Une réflexion sur la représentation féminine
Arrivant bien après la décrépitude du mythe, Glow en propose une vision étonnante. Elle nous transporte dans la deuxième division de l’usine à rêves, où les destins se façonnent avec une fragilité particulière, où l’espoir n’est presque jamais permis, où la célébrité et l’argent se reniflent malgré tout de près.
En plus de cette belle ode aux losers, Glow possède une autre face qui correspond au profil de sa productrice Jenji Kohan : une réflexion sur la représentation féminine. Dans le très bel épisode 3, les néocatcheuses sont forcées d’adopter une personnalité caricaturale pour que le projet d’émission décolle.
Elles n’ont d’autre choix que d’accepter de jouer des stéréotypes sexistes et/ou racistes – à moins de partir. Mais contre toute attente, elles trouvent une certaine force dans l’art du déguisement et de la prise en main des clichés. Et renversent la violence qui leur est faite.
Alors que Ruth se plaint, le réalisateur lui balance : “Qui a dit que tu pouvais inventer ton propre personnage ?” A ce moment-là, quelque chose s’allume en elle. La jeune femme revient bientôt dans une autre peau, qu’elle s’invente en direct devant nos yeux. C’est très émouvant. Maligne et légère à la fois, parfois très belle dans sa manière de mettre en scène la sororité au-delà des images usées sur la rivalité féminine, Glow se révèle beaucoup plus ample qu’elle ne paraît au premier coup d’œil.
Glow sur Netflix
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