Alors que les catcheuses de « Glow » remontent sur le ring et poursuivent leur quête d’émancipation, la série s’attaque à la domination masculine dans le monde du spectacle. (Spoilers)
Cet article comporte des révélations sur la série Glow.
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Dans les années 80 à Los Angeles, Ruth Wilder, actrice en galère qui enchaîne les petits boulots sans trouver de rôle, rejoint une bande de laissées pour compte du rêve hollywoodien (et américain). Sous la direction de Sam Sylvia, réalisateur de séries B sur le déclin, elles vont monter une émission de catch féminin : The Gorgeous Ladies of Wrestling. Produite pour Netflix par Jenji Kohan (Orange is the New Black) et inspirée par une émission culte des années 80, la saison 1 de Glow avait bénéficié d’un succès modeste sur la plate-forme de vidéo à la demande, qui a pourtant choisi d’offrir un second tour de ring à ses attachantes catcheuses.
Une clef de bras aux préjugés
Derrière son pitch étonnant et sa patine joyeusement rétro, la série dote son écriture comique ciselée d’une véritable force de frappe politique. En mettant en scène des actrices aux corps hors normes selon les conventions sociales dominantes – obèse, noir, anorexique, vieillissant, pulpeux, asexué, désirant… -, elle opère un renversement de la dynamique des regards : sous les spotlights, l’outsideuse ne baisse plus les yeux mais fixe avec fierté l’assemblée médusée.
En endossant les habits de démons de l’Amérique blanche conservatrice (reaganienne mais aussi évidemment contemporaine), chaque performeuse, de la « reine des allocations » à la « terroriste arabe », se lance dans un combat euphorique contre les clichés qui l’enserrent. Au fil de ces corps-à-corps cathartiques, c’est aussi un chemin d’émancipation personnel qui se dessine, dans une société et un milieu violemment racistes et patriarcaux. Il s’agit, pour chacune des catcheuses, d’assumer cette étonnante profession en expliquant à son entourage que l’humiliation de façade dissimule un véritable empowerment.
Le féminisme est un sport de combat
Si la première saison s’était achevée sur le tournage et la diffusion du pilote de l’émission, les enjeux dramatiques se diversifient dans cette seconde volée d’épisodes, qui délaisse un peu le collectif pour affiner sa galerie de caractères. Sam le réalisateur tente de se rapprocher de sa fille malgré un rythme de tournage éreintant quand Bash le producteur essaie de maintenir leur folle entreprise à flot sur le plan financier ; Ruth s’affirme artistiquement en prenant en main la réalisation d’une bande-annonce pour l’émission et Debbie y obtient un statut de co-productrice.
À travers cet écheveau d’intrigues parallèles, la saison opère peu à peu une dissection des rapports de domination dans le milieu du spectacle et témoigne de la difficulté pour une femme d’y exister professionnellement en toute indépendance. Le réalisateur s’approprie sans vergogne le travail de mise en scène de sa comédienne, les têtes pensantes du programme excluent la seule femme productrice de leurs réunions…
Cette domination vire au drame lorsque Ruth se fait agresser sexuellement lors d’un faux rendez-vous de travail par le patron de la chaîne, qui relègue le show dans les limbes de la grille de diffusion pour la punir de ne pas avoir cédé à ses avances. La série se charge alors d’un écho tristement contemporain au mouvement #MeToo et fait déborder sa charge politique, initialement concentrée dans ses scènes de représentations spectaculaires, vers ses coulisses, prouvant que le combat se joue bien au-delà des cordes du ring.
Glow saison 2, disponible sur Netflix.
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