L’ultime saison de la série new-yorkaise arrive. Mélancolie du temps qui passe et rage politique sont au programme.
Dans le premier épisode de la sixième saison de Girls, plus long d’une quinzaine de minutes par rapport à l’ordinaire de la série, l’héroïne Hannah (Lena Dunham) se retrouve à la plage pour écrire un article sur le surf. Un casting ultra décalé, puisque rien ne relie cette New-Yorkaise intello au sport. Son enthousiasme, pourtant, est total. Surjoué, même.
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Les spectateurs captifs savent pourquoi. Hannah vient de publier un texte dans un quotidien prestigieux pour raconter comment sa meilleure amie lui a piqué l’homme de sa jeunesse – Adam, évidemment. S’échapper est le mot d’ordre. Sur place, la jeune femme expérimente une aventure sexuelle et romantique, douce et spontanée, avant que le réel, à sa manière, ne reprenne ses droits. Il faut toujours retourner là où on a mal, telle est la leçon.
Toute la belle et complexe dynamique de Girls, ce que la série fut, ce qu’elle est devenue, se trouve dans cet épisode qui ouvre l’ultime saison. D’abord, une forme de légèreté mélancolique, une drôlerie, une envie d’avancer jamais abolie par les nombreux tourments personnels et amoureux.
Des corps divers
Ensuite, une frontalité exemplaire et politique dans la manière de mettre en scène les corps, surtout féminins, pleins d’assurance mais aussi divers : dans les canons de beauté, hors des canons de beauté, gênés, resplendissants, nus, plus qu’ils ne l’ont jamais été auparavant sur petit écran.
La série de Lena Dunham a beau avoir été critiquée pour son “nombrilisme” (rengaine usée), elle n’a heureusement jamais changé de cap depuis son apparition au printemps 2012. Malgré quelques crises de croissance – saisons 2 et 4, notamment –, elle s’est même améliorée et avance aujourd’hui vers nous en pleine possession de ses moyens.
Une maturité impressionnante
La créatrice-actrice-scénariste-réalisatrice avait 25 ans quand elle a sorti de son cerveau bouillonnant cet objet narratif inspiré par quelques figures du passé comme la grande Mary Tyler Moore (lire ci-contre), mais fondamentalement neuf. On n’avait jamais vu des jeunes femmes de 20 ans et des poussières parler comme cela, bouger comme cela à la télévision avant Girls.
Dunham a toujours été consciente de sa responsabilité : incarner une époque et une génération urbaine occidentale, ces millenials pris dans les rets du libéralisme et de la régression ambiante. Elle a mis en scène des corps tentant d’être libres dans un environnement souvent brutal. A 30 ans révolus, elle ne revient sur aucun de ses idéaux. Dans cette dernière saison, elle les approfondit même avec une impressionnante maturité.
Une démonstration féministe implacable
Le troisième épisode en constitue l’exemple le plus abouti. Indépendant du reste de la narration (on n’y voit ni Marnie, ni Shoshanna, ni Jessa, ni les garçons), il met en scène Hannah dans le sublime appartement d’un écrivain à succès, interprété par Matthew Rhys (The Americans). Elle a écrit un article contre lui après la révélation de ses agressions sexuelles commises sur des jeunes femmes, étudiantes et/ou admiratrices. Piqué par son texte, il convoque Hannah pour une explication.
Le face-à-face dure. Il nie être un agresseur, parle de séduction, de son point de vue sur le consentement, parvenant à faire perdre à Hannah son aplomb, jusqu’à une fin d’épisode magistrale qui fait écho aux affaires de viol impliquant des hommes de pouvoir, de Woody Allen (cité indirectement) à Polanski ou DSK. La démonstration féministe de Lena Dunham est implacable, poétique, d’une acuité totale sur l’état de notre culture. Il faut voir Girls jusqu’à son dernier souffle.
Girls saison 6 à partir du lundi 13, 20 h 55, OCS City
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