Derrière ses airs d’éternel adolescent, David J. Peterson a déjà créé une demi-douzaine de langages imaginaires pour des films et des séries. Portrait d’un jeune « nerd » amoureux des mots.
« Parfois, les personnages disent des choses très, très sales… Mais c’est une demande de Dave et Dan. » Dave et Dan, ce sont David Benioff et Dan Weiss, les showrunners de la série Game of Thrones. Celui qui parle, c’est David J. Peterson, écrivain et créateur du Dothraki, la langue du peuple du même nom, inventé dans le Trône de Fer de George R. R. Martin.
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Dans les livres de l’auteur américain, les Dothraki parlent peu : quelques phrases, par ci, par là, parsèment les tomes dont la série Game of Thrones (HBO) est l’adaptation. David Peterson avait donc tout à inventer. C’est ce qu’il a fait, lors d’un concours organisé en 2009 par HBO, qui cherchait à développer la langue maternelle de Khal Drogo et ses compères. Alors que d’autres linguistes sont arrivés avec des idées vagues, Peterson a surpris tout le monde en apportant un plan quasi-exhaustif du langage et du vocabulaire qu’il avait créé, comme le rapporte le Guardian. La chaîne câblée décide donc de l’engager.
Cinq ans plus tard, le vocabulaire Dothraki s’est agrandi : si au début de la série, la langue comptait 1700 mots, elle en compte aujourd’hui plus de 2300. Il existe même une méthode en ligne (30€), un livre (19,99€) et une application (3,99€) pour apprendre le Dothraki.
Un homme très présent sur les réseaux sociaux
Dans la vie de tous les jours, David Peterson a tout du « nerd » à l’air d’éternel d’ado pré-pubère. Il tient avec ferveur son Tumblr personnel, sur lequel il poste plusieurs entrées par jour. Gifs de chats, caricatures, jolies photos de vitraux, food porn, tout y passe. Sur Twitter, il live-tweete avec passion et nombre de points d’exclamation la série The 100 pour laquelle il a créé une langue il y a peu, tandis que sa femme, Erin, poste des selfies de son couple sur le réseau social.
Here you go! @musingsofaraven @Dedalvs pic.twitter.com/i1JirWVVGJ
— Erin Peterson (@ThisAllegra) 11 Mai 2014
En 2007, il a cofondé la « Language Creation Society » (LCS), une association à but non lucratif qui soutient et promeut les « langues construites » (en opposition aux langue naturelles, dont l’élaboration est longue et souvent spontanée). D’après son manifeste, l’association cherche avant tout à sensibiliser le public à l’importance de la création de langues dans les œuvres de fiction, et met également en relation des « créateurs de langage » avec des « acteurs de l’industrie du divertissement qui souhaiteraient ajouter plus de profondeur à leurs mondes alternatifs« .
« Une forme unique et complexe d’expression esthétique »
Car David Peterson est avant tout un passionné. Il est bilingue en anglais et espagnol, et a appris une demi-douzaine d’autres langues pour le plaisir. Pour lui, « créer un langage est une forme unique et complexe d’expression esthétique« , comme il le confie au magazine Wired.
« Apprendre une nouvelle langue, c’est apprendre une nouvelle manière de voir le monde. Inventer une nouvelle langue, c’est inventer une nouvelle manière de voir le monde », continue-t-il.
Depuis le succès de Game of Thrones, Peterson a créé sept autres langues, dont trois pour la série de science fiction Defiance, une pour la série Star-Crossed, et même une pour le film Thor: le monde des ténèbres, le Shiväisith, langage que parlent les Elfes des ténèbres dans le blockbuster américain.
« À une autre époque, il aurait été de mise d’improviser du charabia pour faire parler les extra-terrestres et autres créatures fantastiques », a récemment analysé Peterson dans tribune au sein de la revue française Soap dédiée aux séries, parue en novembre 2014 (à laquelle certains journalistes des Inrocks ont contribué). « Parce qu’on n’imaginait pas que le public puisse se formaliser pour si peu (…) Aujourd’hui il suffit que quelques âmes prennent l’erreur ou la maladresse d’un film très au sérieux pour que le web s’emballe. »
Selon lui, c’est le succès de films comme le Seigneur des Anneaux, adapté du livre de Tolkien, qui a participer de l’envie des producteurs de « prendre au sérieux » la « partie linguistique d’une oeuvre fantastique ou de science-fiction« . « Si vous réussissez à créer les dragons les plus réalistes que le monde ait jamais vu, mais que vos elfes déversent du charabia, l’illusion ne tiendra pas« , conclut-il.
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