Chaque semaine, nous analysons les temps forts de la sixième saison de Game of Thrones. Avec un épisode plus calme, la série s’appuie à nouveau sur les piliers sur lesquels elle s’est construite : famille, légitimité et identité.
Un Stark, un Martell et un Lannister entrent dans une taverne. Ils commandent tous une bière. Dans leur verre, ils trouvent chacun une mouche. Le Lannister est scandalisé, repousse le verre et en demande un autre. Le Martell retire la mouche avec ses doigts et l’avale d’un coup. Le Stark plonge sa main dans la coupe, retire la mouche et crie : « Recrache ce que tu as bu, petite conne! Recrache! »
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Lorsque Tyrion Lannister raconte cette blague à Ver Gris et Missandei, il ne se rend probablement pas compte qu’il est en train de résumer toute l’histoire de cette sixième saison. Au-delà de la plaisanterie – qui, au passage, fait à peine sourire ses interlocuteurs – ce récit montre à quel point Game of Thrones a toujours été une histoire d’identité. Voilà six saisons que l’on soupire lorsqu’un personnage déballe son titre à rallonge – soit au minimum son nom, celui de sa maison et de ses ancêtres –, alors que ces présentations sont en fait indispensables à la compréhension de leurs motivations.
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Le dernier amour tragico-romantique
Un Lannister est-il forcément fier et dédaigneux ? Un Martell téméraire et teigne ? Un Stark alcoolique ? Ou suffit-il qu’ils le croient, pour que perception devienne réalité ? Une chose est sûre : chacun des protagonistes encore en lice dans le « jeu des trônes » est aujourd’hui mû par quelque chose de plus grand que lui. Un sentiment plus intense que la religion et plus puissant que la magie noire ; celui d’appartenir à une famille et de porter le destin de sa Maison sur ses épaules.
Dans le septième épisode de cette saison 6, Jaime Lannister n’arrivait pas débiter sa devise (« un Lannister paie toujours ses dettes »), coupé par Bronn qui lui confisquait alors sans pitié le droit de se réclamer de son héritage. Cette semaine, le Régicide n’en est plus là. Au-delà de l’importance de sa famille, c’est l’amour pour sa soeur qui régit – et qui a toujours régi – ses actes, et qui le pousse à conquérir le domaine de Vivesaigues en manipulant Edmure Tully (le frère de Catelyn Stark).
Tandis que tous les protagonistes tendent à se rassembler (les Greyjoy rejoignent Daenerys et Tyrion, Jon Snow et Sansa regroupent des troupes), Jaime et Cersei semblent de plus en plus esseulés, au point de devenir touchants dans l’inévitabilité de leur perdition. Où quand frère et soeur incestueux incarnent le dernier amour tragico-romantique de la série, à la fois impossible et invincible, dégoûtant et déchirant.
Des airs de saison 1
« Enfin, une fille est devenue personne », assène le Sans-Visage Jaqen H’ghar, après qu’Arya a réussi à se débarrasser de l’assassine qui était sur ses traces. Depuis près de deux saisons, la jeune Stark a entrepris de perdre son identité pour devenir une tueuse sans figure et se venger de ceux qui l’ont martyrisée. « Une fille est Arya Stark, de Winterfell, et je rentre à la maison », déclare-t-elle finalement, révélant ainsi que la quête qu’elle avait entreprise n’était pas celle de l’oubli mais bien d’une réalisation : dans Game of Thrones, on ne peut échapper à ses racines. « Winterfell » n’est pas seulement un lieu, c’est un marqueur identitaire, comme les îles de Fer définissent les Greyjoy ou le territoire de Dorne les Martell. « Lady Sansa souhaite reprendre son siège ancestral des mains des Bolton et d’assumer sa position légitime de Lady de Winterfell », annonçait d’ailleurs Brienne de Torth à Jaime Lannister, plus tôt dans l’épisode.
Avant les Marcheurs Blancs, avant les Sauvageons et les Immaculés, la première saison de Game of Thrones était avant tout une histoire de pouvoir et de légitimité. Qui allait reprendre le trône de fer et régner sur le Royaume des Sept-Couronnes ? A l’époque, ceux qui souhaitaient gouverner établissaient tous le bien-fondé de leur aspiration sur des motifs différents : la famille Targaryen sur l’héritage du Roi Fou, Stannis Baratheon sur le fait que Joffrey n’était pas le vrai fils du roi Baratheon, tandis que Renly pensait que sa supériorité intellectuelle sur son frère ainé Stannis l’autorisait à mériter d’accéder au trône.
Cinq ans plus tard, Game of Thrones s’appuie à nouveau sur les piliers sur lesquels elle s’est construite : famille, légitimité et identité. Le revirement est d’ailleurs illustré par la trajectoire des frères ennemis, la Montagne et le Limier (Sandor Clegane) – montrés tour à tour en train d’éviscérer leurs adversaires – et dont les destins « miroirs » semblent bel et bien voués à se recroiser.
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