Heureuse surprise que la deuxième saison de la grinçante comédie anglaise Fleabag. C’est un nouvel uppercut qui nous touche, comme son héroïne complexe. Indispensable.
Dans le flux de la “Peak TV” (l’augmentation constante du nombre de séries produites), trouver une merveille tient paradoxalement de l’exploit : les événements sériephiles majeurs sont rares. Il y a presque trois ans, l’arrivée de l’anglaise Fleabag avait marqué celles et ceux qui l’avaient percutée. Une histoire de trentenaire londonienne apparemment banale, qui mutait assez vite en étude précise du deuil de sa meilleure amie, jusqu’à devenir sublime. Adaptée d’un spectacle seule-en-scène, la comédie triste de Phoebe Waller-Bridge a marqué la décennie, au point qu’en imaginer une suite n’avait pas vraiment de sens. Pourtant, la deuxième saison montre le bout de son nez en Angleterre depuis quelques semaines – elle sera disponible en France sur Amazon Prime au mois de mai. Retrouver cette fille rêche et violente, que la créatrice Phoebe Waller-Bridge incarne elle-même avec une rage impressionnante, c’est se rendre compte que toute tentative de la circonscrire sera vouée à l’échec. Fleabag (c’est son surnom) avance comme une créature fictionnelle autonome dans un monde qui ne la comprendra jamais, à la fois fraîche et vieille, désirante et sèche, avenante et cruelle.
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Le premier épisode de la nouvelle saison, centré sur un dîner familial cauchemardesque où quelques coups de poing fous sont échangés, montre le caractère irréconciliable de la jeune femme avec les autres, avec le monde, avec elle-même. Fleabag va toujours mal. Quelle solution ? S’en remettre à Dieu, d’abord. Durant ce repas, la grande brune rencontre un prêtre charmant et décide comme il se doit d’en tomber amoureuse, alors que toute relation épanouissante paraît impossible avec lui. Telle est la boussole de la série depuis le début : viser l’échec, montrer comment un corps bute contre ses désirs.
Dans une scène frappante chez une psy qu’elle va voir à reculons, Fleabag s’interroge tout haut sur ce qui ne va pas. Avec ironie et profondeur, elle parle de sa propension à utiliser le sexe comme un exutoire face à son vide intérieur. Quand la thérapeute, soupçonnant de manière évidente une dépression, lui demande si elle a des amis, Fleabag se fige et nous regarde : “Bien sûr que j’ai des amis.” Cette adresse à la caméra, qui pouvait passer pour un gimmick ou un support comique un peu facile depuis le début de la série, prend subitement un tour tragique et déchirant, comme un appel à l’aide. Toute en simplicité et en petites idées brillantes, Fleabag s’impose de nouveau comme un phare dans nos nuits, aussi indispensable à nous que nous sommes indispensables à elle.
Fleabag d’Harry Bradbeer, écrit par et avec Phoebe Waller-Bridge. Saison 2 en mai sur Amazon Prime Video
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