« La Quatrième Dimension », programme d’anthologie culte et séminal créé par Rod Serling en 1959, s’offre une nouvelle version pilotée par Marco Ramirez, Simon Kinberg et le désormais incontournable Jordan Peele. Extrêmement fidèles au matériau original, ses premiers épisodes séduisent par leur réalisation et leur ambiance soignée mais peinent à actualiser les motifs de la série. (Spoilers)
Cet article comporte des révélations sur la série La Quatrième Dimension.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Conçue à l’origine pour concurrencer les petits meurtres d’Alfred Hitchcock présente passés aux mains d’une chaîne rivale, The Twilight Zone, connue en France sous le nom de La Quatrième Dimension, a cartographié une région télévisuelle à la lisière du fantastique et de la science-fiction. Créée en 1959 par Rod Serling, cette série d’anthologie nimbée de paranoïa et d’étrangeté construisait chacun de ses épisodes autour d’un vacillement imprévisible du réel, surgissement du bizarre dont les tentacules enserraient les personnages pour les mener à leur perte.
Welcome to the Twilight Zone
Joueuse, la série s’employait à manipuler le spectateur au gré de ses retournements scénaristiques, généralement couronnés par un saisissant twist final. Moraliste, elle introduisait et concluait ses histoires par une adresse ironique du narrateur (Serling himself) au spectateur. Pessimiste, elle mettait en lumière les maux de la société américaine de l’époque, du consumérisme effréné à la folie de l’atome. Précurseuse, elle a connu deux remakes (La Cinquième Dimension et La Treizième Dimension) et un film dérivé co-réalisé par Steven Spielberg, John Landis, Joe Dante et George Miller.
Mais au fond, c’est quoi, cette Twilight Zone ou cette Quatrième Dimension ? C’est un « espace au-delà des notions classiques d’espace et de temps » dans lequel on entre par accident, et dont les portes semi-closes menacent à tout moment de se refermer ; une contrée mystérieuse « dont la seule frontière est notre imagination » ; un cauchemar drapé d’un masque réaliste et charriant les angoisses d’une époque.
Peele tout puissant
Si cette relecture contemporaine d’un monument de la télévision est orchestrée par le showrunner Marco Ramirez (The Defenders), c’est le nom de Jordan Peele, incontournable wonder boy d’Hollywood depuis le succès surprise de son film d’horreur Get Out, qui a été mis en avant lors de la promotion de la série.
https://youtu.be/-6uXjeOKyMY
En plus de ses rôles de producteur exécutif et de co-scénariste de certains épisodes, l’ancien rigolo de service du duo Key & Peele, cheveux désormais grisonnants, se glisse avec une gourmandise non dissimulée dans les habits du narrateur. Visiblement à l’aise avec sa nouvelle stature de super-auteur (de Lorena à Weird City et en attendant The Hunt avec Al Pacino, son nom est associé à quatre séries cette année), Peele impose son timbre de velours et sa présence élégante à chaque épisode tout en renvoyant l’ascenseur à l’oeuvre qui l’a tant influencé : chaque sketch de Key & Peele voyait sa situation initiale peu à peu grignotée par une étrangeté grinçante quand Us, son second long-métrage actuellement en salles, s’inspire largement de l’épisode L’Image dans le miroir.
Une Dimension trop balisée
Rebaptisé Le Comédien, le premier épisode de cette nouvelle version propose une relecture contemporaine de Rire ou mourir au Paradis. Samir (Kumail Nanjiani), jeune comédien de stand-up dont l’humour engagé peine à captiver le public, se voit proposer un marché par un Faust des temps modernes. Il déclenchera l’hilarité générale chaque fois qu’il abordera sur scène un aspect de sa vie privée, mais condamnera dans le même mouvement la personne citée à disparaître irrémédiablement de la surface de la Terre.
Malgré une réalisation soignée et la mise en avant d’un acteur d’origine Pakistanaise (geste évidemment politique de la part de Jordan Peele, qui a récemment déclaré ne pas imaginer confier le rôle principal d’un de ses films à un acteur blanc), le scénario cousu de fil blanc enchaîne mécaniquement les sketches et les disparitions d’importances croissantes jusqu’à sa conclusion prévisible.
Cauchemar à 30 000 pieds opère quand à lui une variation sur l’une des histoires les plus célèbres de la série, qui mettait en scène William Shatner en plein cauchemar aérien. Un homme trouve un lecteur MP3 sur le fauteuil de son vol transatlantique. Il contient un podcast détaillant pas le menu la terrible tragédie qui va frapper l’appareil et ses passagers… Bien rythmé et délicieusement paranoïaque, l’épisode souffre malheureusement de nombreuses incohérences scénaristiques, et se conclut sur une allégorie politique grossière.
C’est là la principale faiblesse de ce remake, qui semble trop obnubilé par le respect du matériau d’origine pour trouver une charge politique et des résonances contemporaines pertinentes.
The Twilight Zone saison 1, depuis le 1er avril sur CBS All Acces, prochainement en France.
{"type":"Banniere-Basse"}