L’édition intégrale de cette sitcom british des années 2000 éclaire un peu plus le personnage Ricky Gervais.
Le cas Ricky Gervais symbolise l’attractivité éternelle de l’humour british. Depuis plus de dix ans, ce garçon mal élevé et subtilement inélégant a réussi à donner une forme et un contenu nouveaux à la comédie télé contemporaine, au même titre que quelques rares autres personnages à sa hauteur, comme Larry David, Sacha Baron Cohen et Louis CK.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Ce néo-quinqua sans remords a été capable d’embraser à la fois son pays d’origine et Hollywood, qui lui réserve désormais le rôle convoité de l’amuseur public forcément redouté – voir ses prestations en tant que présentateur-vipère lors des deux dernières éditions des Golden Globes. Alors que sort en DVD zone 2 l’intégrale d’Extras, c’est une des perles (un peu) cachées de son travail qui s’offre à nous.
Moins connue que The Office, cette coproduction entre la BBC et HBO a pourtant duré aussi longtemps en Angleterre que sa grande soeur, c’est-àdire deux saisons. Si elle n’a pas connu d’adaptation américaine, elle rivalise largement en inventivité. A revoir la série cinq ans après sa dernière saillie, il n’est même pas interdit de la préférer à The Office. Peut-être parce que la satire du show business s’impose comme un sujet plus personnel pour son cocréateur – Ricky Gervais a travaillé, comme toujours, en duo avec le redoutable Stephen Merchant. Comme si tout artifice était hors sujet, les compères n’ont pas eu besoin de s’appuyer sur la béquille stylistique du faux documentaire (mockumentary) qui avait largement construit la réputation de The Office. La caméra est plus calme mais pas moins fouineuse et tout aussi ambiguë.
Dans sa première saison, Extras raconte la vie terne de quelques figurants (traduction littérale du mot » extras ») courant le cachet. Le dénommé Andy Millman navigue tristement de plateau en plateau et d’humiliation en humiliation. La frustration et le sentiment d’échec s’imposent comme ses seuls alliés. Son agent ? Cet incapable notoire ne sait pas qui est Harry Potter et négocie vraiment très mal les contrats. L’ennui des heures passées à attendre dans des costumes ridicules est filmé avec une précision et une ironie démoniaques.
Sans pitié pour personne, la série a comme principe d’accueillir une star à chaque épisode dans une version parodique d’elle-même. Hollywood ne demandant qu’à pratiquer l’autodérision, Kate Winslet, Ben Stiller, Samuel L. Jackson, David Bowie, Patrick Stewart, Orlando Bloom, Daniel Radcliffe ou encore Robert De Niro ont accepté de se mettre dans des situations parfois embarrassantes.
La deuxième saison accompagne le même personnage (interprété par Ricky Gervais) alors que celui-ci a réussi un gros coup en obtenant sa propre sitcom sur la BBC. Las, il s’agit d’une comédie ringarde dont lui-même a conscience qu’elle doit plus aux années 1970 qu’aux formes actuelles de la comédie. A force de compromis, Andy a dû se résoudre à produire une soupe sans saveur, même s’il est devenu célèbre. C’est à ce moment-là que la série devient réellement passionnante, quand elle ajoute à son fond naturel satirique et antipolitiquement correct une vraie réflexion sur le sens du spectacle. Qu’est-ce que faire le show ? Qu’est-ce qui est vraiment drôle ? Comment rester crédible ?
Extras ne recule pas devant la montagne de questions que pose chaque jour son héros, confronté à la cruauté et à la veulerie et néanmoins fasciné par elles. Un spécimen humain plus attachant qu’il n’y paraît. Depuis la fin 2011, Gervais et Merchant ont récidivé en créant Life’s Too Short, qui raconte la vie d’un acteur nain. Cette réussite moindre éclaire encore davantage l’intérêt d’Extras.
Olivier Joyard
{"type":"Banniere-Basse"}