Malgré quelques éclats de tendresse, « Everything Sucks! », la nouvelle série teen de Netflix, embrasse un peu trop cyniquement la tendance nostalgique de la production télévisuelle actuelle. (Spoilers)
Cet article contient des révélations sur la série Everything Sucks!
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Septembre 1996. Dans la petite (et bien réelle) ville de Boring, Oregon, Luke et ses amis Tyler et McQuaid entrent au lycée. Pas vraiment faits du même bois que les gamins populaires, ils comptent rejoindre le club audiovisuel, troupe de geeks bariolés férus de caméras. Adolescence oblige, leur scolarité sera émaillée d’amours maladroites, de rivalités de couloirs, d’amitiés fraternelles et de drames intimes.
Sortie en catimini sur Netflix, Everything Sucks!, co-créée par les scénaristes Ben York Jones et Michael Mohan, s’inscrit dans la lignée des dernières séries originales du géant de la vidéo à la demande : showrunners quasi-inconnus, esthétique attrayante, sujet dans l’air du temps et public parfaitement ciblé. Point ici de concept choc comme l’Upside Down de Stranger Things ou les cassettes enregistrées de 13 Reasons Why, ce récit d’apprentissage somme toute assez classique tente de séduire le spectateur par ses oripeaux nostalgiques.
Le spectateur en question, c’est celui né à la fin des 80’s, chez qui les mots walkman, Spice Girls ou Pokémon réveillent des souvenirs précieux. Les oripeaux, de l’image à la BO en passant par les codes vestimentaires des personnages, ce sont ceux des sweet 90’s désormais plus si proches.
Nostalgie à tous les étages
Ces dernières années, le regard ému dans le rétroviseur fictionnel visait principalement les années 80, que ce soit au cinéma (Super 8) ou en séries (Stranger Things). Signe que le sentiment nostalgique est devenu un concept commercial comme un autre, les producteurs n’hésitent plus à vendre un projet sur son seul enrobage vintage, oubliant parfois de lui donner une consistance sous la surface.
Bande originale présidée par Oasis, inénarrables chemises à carreaux, mini jupes plissées, pulls douteux, salopettes, baladeurs gros comme des grilles-pain et autres goodies des derniers feux du millénaire… Everything Sucks! s’évertue à cocher toutes les cases du manuel de la parfaite madeleine de Proust générationnelle. Une application un temps séduisante, mais vite ternie par un excès de connivence (à propos de la Prélogie Star Wars alors en production : « Ils vont ruiner les originaux à force d’effets spéciaux ») et par le sentiment désagréable d’être considéré comme une cible marketing. Cynique, la nostalgie ?
Une série qui peine à trouver une identité propre
Si les dix épisodes de la saison se savourent sans difficulté, le projet peine à trouver une forme convaincante et à se défaire de ses nombreux modèles. La mise en scène, toute en caméra à l’épaule, longues focales et zooms intempestifs, semble faire écho à une certaine esthétique less is more des productions télé d’alors (texture grumeleuse de l’image à l’appui) tout en se raccrochant à des amarres plus léchées. Le premier degré réjouissant avec lequel sont scrutés les affres doux-amers de l’adolescence est quant à lui quelque peu terni par la dimension parodique de l’enrobage.
Si les personnages, en particulier Luke et la timide Kate Messner (qui découvre progressivement son homosexualité), sont attachants, les scénaristes s’évertuent à faire entrer leurs comparses dans des archétypes trop corsetés. Certes, tout drama teen qui se respecte déploie les mêmes fondations faite de sportifs populaires et de geeks un peu coincés, de pestes sexy et de profs ridicules, mais on se demande parfois ici si on a affaire à de vrais personnages où à des variations à peine vieillies des gamins de Stranger Things.
Des éclats de tendresse
Il faut attendre quelques épisodes pour qu’émerge le coeur battant de la série, et son idée la plus réussie, à défaut d’être originale. Peu à l’aise socialement, et en proie à la difficulté de grandir, les jeunes héros ont recours à la vidéo pour s’exprimer, à la caméra comme arme et bouclier, et aux images pour mieux (s’)aimer.
D’une déclaration d’amour en forme de remake bricolo du clip du Wonderwall d’Oasis à un projet ambitieux de film de SF sauce 50’s (nostalgie dans la nostalgie), en passant par le journal vidéo d’un père absent, l’appréhension et la manipulation des images par ces gamins débrouillards ouvrent de belles possibilités narratives. Et si leurs expériences audiovisuelles ne sont pas interrompues par un gigantesque alien comme celles de leurs cousins de Super 8, l’adolescence et ses ressorts tumultueux fait figure de monstre tout aussi impressionnant.
Everything Sucks! saison 1, disponible sur Netflix.
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