Matt LeBlanc, célèbre Joey de « Friends », est de retour dans une comédie sur les coulisses de la télé. Le pire, c’est que c’est bien.
Il y a encore quelques mois soufflait un vent de moquerie sur les anciens acteurs de Friends (comme auparavant sur ceux de Seinfeld, ou de tout autre pilier télévisuel historique) à propos de leur incapacité à avoir à nouveau du succès, voire à refaire quelque chose d’intéressant dans leur vie. Journalistes et bloggeurs évoquaient une « malédiction ». Il est temps d’expliquer qu’ils ont eu tort.
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A étudier le casting original de l’importante et rigolote série disparue en 2004, on remarque que Jennifer Aniston (Rachel) est devenue, avec Katherine Heigl, une des principales actrices de comédies romantiques à Hollywood, tandis que sa copine Courteney Cox (Monica) s’amuse chaque semaine dans Cougar Town, une sitcom pas conne entièrement dédiée à sa gloire.
Joey est de retour, mais n’a plus rien d’un idiot
Ce début 2011 marque un nouveau pas en avant notable et réjouissant dans la reconquête par les ex- Friends de leur estime de soi. Tout se passe du côté des mecs, cette fois. En effet, quelques printemps après l’extraordinaire mais mal comprise Studio 60 on the Sunset Strip (créée par Aaron Sorkin), Matthew Perry effectue son retour avec le premier rôle de Mr. Sunshine, une comédie où il brille dans la peau d’un directeur de salle de spectacles immature et inquiet. On reviendra sur ce qui a tout d’une perle quand la distance des cinq épisodes aura été franchie. Ce qui est le cas d’une autre comédie, Episodes, qui accueille en son sein un ancien de Friends, pas le plus prometteur a priori : Matt LeBlanc, c’est-à-dire Joey, cet inimitable idiot.
Episodes anime les dimanches soirs de la chaîne à péage Showtime depuis janvier. La série compte parmi ses créateurs David Crane, un des cerveaux de Friends, qui a aussi commis l’oubliable Joey, sitcom dérivée de Friends que Matt LeBlanc fit l’erreur de lancer trop tôt et trop mal. A des années lumières de Joey, cette petite chose grinçante de vingt-six minutes montre une véritable intelligence en jouant avec plusieurs mythologies du petit écran US contemporain.
La première est la vague d’adaptations de formats anglais qui ne cesse de croître, parfois en dépit du bon sens, pour cacher un vrai manque d’inspiration.
Episodes raconte le parcours d’un couple de scénaristes londoniens, invités à grands frais à Beverly Hills afin de superviser la version américaine de leur création. La satire du show-biz débute avec les changements drastiques apportés par un patron de chaîne qui n’y connaît rien (en gros, la série n’a vite plus grand-chose à voir avec l’originale). Bonne nouvelle : les Américains pratiquent volontiers l’autodérision, même dans un domaine – les séries télé – où ils sont censés dominer le monde.
LeBlanc, la star de l’adaptation
L’autre mythologie que la série aborde de front s’appelle évidemment Matt LeBlanc. L’acteur et son personnage de Friends sont restés inoubliables pour quelques bêtises bien senties – la fameuse réplique « How you doin’? », une poignée de mimiques burlesques… La série utilise ce socle connu de tous (LeBlanc joue ici son propre rôle en devenant la star de l’adaptation), mais c’est pour l’évider, l’aplatir, et presque le dévitaliser. Par ailleurs, l’ancien Joey n’a plus rien d’un idiot, il est juste un peu con. Et malheureux.
Episodes appartient à un minutieux processus de mortification de l’art de la sitcom, entamé il y a une décennie par Larry David (Curb Your Enthusiasm) et poursuivi timidement par une autre ancienne de Friends, Lisa Kudrow (l’éphémère The Comeback). La série se singularise en réinjectant constamment du récit neuf dans ce squelette fictionnel – l’histoire du couple british débarquant à Hollywood lui sert d’assise réaliste parfois assez dure. Elle fait de Matt LeBlanc un héros légèrement décentré, intensément solitaire, donc émouvant. Etonnant, non ?
Olivier Joyard
Episodes, créée par Jeffrey Klarik et David Crane, avec Matt LeBlanc. Tous les dimanches sur Showtime.
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