La saga hip-hop du réalisateur de « Precious » bouscule la rentrée US. Faut-il s’en réjouir ?
Depuis ses débuts le 7 janvier, Empire ne cesse d’apporter de bonnes nouvelles à la chaîne qui l’héberge et à la télévision américaine. La Fox se targue d’avoir mis à l’antenne la première série phénomène de 2015, qui ne cesse d’augmenter son audience chaque mercredi. Une rareté. Pour y parvenir, il fallait trouver la formule magique souvent égarée aujourd’hui par les chaînes majoritaires, les fameux networks en mal d’audience et de reconnaissance dans un paysage éclaté. Oui, une formule. Les séries ne sont parfois que cela quand elles se placent dans les starting-blocks. La formule la plus simple, proche de celle de l’eau tiède, consiste à mêler un minimum d’audace avec le respect d’une tradition usitée. Empire déroule ce programme à la lettre en proposant ni plus ni moins qu’un soap à la mode d’aujourd’hui. Le “night-time soap”, à ne pas confondre avec son petit cousin diffusé en journée et tourné au kilomètre, est un genre fondateur de la télé moderne depuis Dallas. Le cocréateur d’Empire, Lee Daniels (réalisateur de Precious, Paperboy, Le Majordome) a d’ailleurs fait référence à l’hystérique Dynastie lorsqu’il a mis en branle son projet, en précisant tout de même : “un Dynastie noir”.
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C’est le volet “audace” de la série, qui met en scène une famille dominante du hip-hop américain où personne n’est blanc. A sa tête se trouve le patriarche Lucious Lyon, ex-gamin du ghetto devenu dealer puis artiste majeur, avant de tourner patron de label multimillionnaire avec la maturité. Un mélange de Jay Z, Dr. Dre et P. Diddy dans la vraie vie, et de l’ensemble des rois shakespeariens en ce qui concerne la fiction. Cet homme au visage doux (excellent Terrence Howard) appelle le président Obama par son prénom et le joint sur son portable – scène hilarante de démesure dans l’épisode 2 – tout en se montrant capable du pire. Au quotidien, il doit gérer sa multinationale et ses trois fils, deux artistes et un pur businessman. Secrètement malade, il leur annonce que l’un d’eux prendra sa succession d’ici quelques mois. Mais son ex-femme, qui vient de passer quinze ans en prison (pour que lui y échappe), va ramener ses manteaux léopard et son mauvais caractère dans le jeu. Tout le monde sort les crocs dans Empire, avec jouissance et excès. Cette règle possède ses limites – dont celles de la crédibilité, parfois – mais elle est également séduisante car elle s’appuie sur un récit accroché à la réalité.
Au-delà d’une documentation minutieuse sur les moeurs des moguls du hip-hop, Empire raconte des histoires intimes. Lee Daniels a reproduit tel quel un trauma d’enfance, ce jour où son père l’a battu quand, à l’âge de 5 ans, il s’était habillé en femme. L’un des personnages principaux de la série est gay, au grand dam de Lucious Lyon, qui ne supporte pas que celui-ci soit aussi son fils. Daniels dit avoir voulu combattre l’homophobie qui règne dans la population afro-américaine et le milieu du rap. Reste, enfin, la musique. Pas l’enjeu le plus mineur pour la série, qui envoie une dizaine de morceaux inédits par épisode. Produits par le boss des années 2000, Timbaland, ils s’inspirent de tout le spectre du hip-hop contemporain, y compris le plus intéressant – de Kanye West à Frank Ocean. Sur le modèle de Glee, une vie en dehors des écrans est possible. Mais pour combien de temps ? Dans le premier épisode, un médecin annonce à Lucious Lyon le temps qui lui reste à vivre avec sa maladie : “Trois ans. Peut-être plus. Probablement moins.” Au rythme où elle est partie, Empire devrait plutôt durer dix ans.
Empire tous les mercredis sur Fox
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