Disponible à partir du 18 mars sur Netflix, la nouvelle série de la showrunneuse Fanny Herrero réussit là où de nombreuses séries françaises échouent.
C’est peu dire que Fanny Herrero, la créatrice de Dix Pour Cent – série souvent formidable de France 2 sur les agents artistiques et le cinéma, qu’elle a quitté après la troisième saison – était attendue pour ses débuts sur Netflix, quatre ans après avoir signé son dernier scénario. Comme s’il fallait rassurer tout le monde, y compris elle-même, quelques éléments de Drôle nous ramènent vers une zone de confort. La description d’un milieu assez méconnu et le récit sentimental de groupe s’enchevêtrent ici comme là-bas, pour former une toile de fiction à la fois tendre et coupante. Mais on n’aperçoit aucune star à l’horizon et surtout, la moyenne d’âge baisse radicalement, autour de 25-30 ans : nous sommes dans les sphères du stand-up parisien contemporain, autour de quatre personnages en quête de mots et de sens.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Il y a Aïssatou, en pleine montée de hype après une vidéo virale où elle décrit le doigt dans le cul mis à son mec – qui a aimé, évidemment – ; Bling, comique en pleine descente après quelques années de succès ; Nezir, gros talent d’écriture qui crèche encore chez son père en banlieue, et bientôt Apolline, grande bourgeoise rêveuse qui n’a aucune envie de suivre les traces de sa famille et va tout déchirer. Elle est le seul personnage central blanc de Drôle, qui s’inscrit dans le désir de son diffuseur de renvoyer une image de la France à la fois réaliste et légèrement fantasmée, sans conflits. Avec ses consultant·es comme Jason Brokerss et Shirley Souagnon, ses acolytes de la salle d’écriture, notamment Camille de Castelnau et Hervé Lassïnce, Herrero ne semble pas chercher forcément à mettre en avant la portée politique de Drôle – même s’il y en a une, évidente – mais à parler d’abord de ce qui l’anime intimement : ce moment de la vie où les choix plus ou moins définitifs se font, en travail comme en amour, à la fois brutalement et sans que l’on ne comprenne toujours l’importance de ce qui se passe. Le tout avec un soupçon de nostalgie (car Herrero la quadra en est sortie) qui donne à la série une touche de mélancolie légère, derrière la surface ultra fraîche.
De vannes en vannes
Ainsi va Drôle, qui nous fait passer de vannes en vannes – beaucoup de scènes de stand-up, mais aussi des moments hors scène consacrés à la création, souvent passionnants – à des situations beaucoup plus quotidiennes, traçant un récit choral ambitieux sous une forme presque modeste. Peu d’effets de style ici, à l’écriture ou dans la mise en scène. Ceux-ci sont plutôt réservés aux personnages que l’on voit naître, s’épanouir et se transformer sous nos yeux, comme si une éthique du récit dédiée à elles et eux prévalait par-dessus tout.
Drôle ne se place jamais en surplomb, mais juste à côté de celles et ceux qu’elle veut filmer, comme pour ne pas les déranger. Cela donne une série à la fois mainstream et très atypique dans le paysage français, souvent attachée à une forme classique de chronique, mais sublimée par un brin de folie. On parle bien sûr de Nezir et Apolline, couple en devenir et sensation de ces six épisodes, duo comique, amoureux et sexuel merveilleux. À travers eux, Drôle s’émancipe et dépasse toute dimension programmatique, pour toucher à la chair et à la vie telles qu’on les voit rarement dans les séries d’ici.
Drôle. Saison 1 sur Netflix.
{"type":"Banniere-Basse"}