L’une des dernières bonnes séries grand public se termine après huit saisons, fidèle à elle-même, sans pathos inutile.
« Everybody Dies » – « Tout le monde meurt ». Simple et définitif, le titre du dernier épisode de Dr House laisse un goût de mélancolie légèrement acerbe, cohérent avec le personnage principal de cet antidrame médical né à l’automne 2004 – la même année que Lost et Desperate Housewives, dernière grande cuvée des networks. Il suggère en creux que même les séries apparemment éternelles, intégrées dans la chair du quotidien, disparaissent sans laisser d’adresse, réduites en cendres. La fin arrive toujours mais jamais quand on le voudrait. Dans le cas de Dr House, on aurait sans doute préféré qu’elle survienne un peu plus tôt, pour rester sur l’impression brillante et profonde laissée par ses premières années. Le basculement vers la décennie 2010 aura été largement fatal à la série, qui a commencé à perdre à la fois du public (principalement aux États-Unis) et de l’inspiration.
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Toutes ces questions restent en suspens quand il s’agit de voir et de juger un dernier épisode. Comme les pilotes, les derniers épisodes constituent un genre en soi, toujours scruté avec attention. Les chefs-d’oeuvre comme » Everyone’s Waiting », le finale de Six Feet under, restent plutôt rares, mais quelque chose de solennel et de captivant se dégage systématiquement des sorties de scène, si elles ont été choisies par l’équipe créative. La fin assumée de Dr House après huit saisons, que TF1 diffuse dix mois après les États-Unis, ne fait pas exception à la règle. Même si elle n’a rien de sublime, son premier mérite est de rester dans la droite ligne des cent soixante-seize autres épisodes, non pas dans la forme, forcément un peu spéciale, mais dans le fond, parfaitement raccord avec l’esprit du show : une réflexion sur les puissances de l’esprit.
Une tête pensante dans un corps blessé, tel a toujours été Gregory House, inspiré à la fois de Socrate et de Sherlock Holmes, selon l’aveu même du créateur David Shore. Le diagnosticien hirsute ne s’est jamais vraiment remis de sa condition d’humain claudiquant, dans tous les sens du terme. Entre son addiction à un antidouleur et sa canne arborée presque tous les jours pour cause de patte folle, ses séjours en hôpital psychiatrique et en prison, ses colères noires et son mépris apparent pour les patients, House a incarné le héros de série contemporain dans sa splendeur et sa misère, souvent insaisissable, habité par une perpétuelle et unique obsession.
Dans son cas, il s’agissait chaque jour d’accéder à la vérité à travers les maladies qu’il diagnostiquait, grâce à la seule force du raisonnement. Dans « Everybody Dies », House devient métaphoriquement son propre patient, son ultime énigme à résoudre, entamant un dialogue assez surprenant avec son passé et son inconscient. À la vie, à la mort, il doit choisir son destin et en profite pour imaginer une dernière pirouette. C’est à la fois peu sentimental (contrairement à l’épisode qui précède, consacré à sa relation avec Wilson) et très rigoureux, voire austère. On n’en dira pas plus, pour ne pas gâcher le plaisir de ceux qui le découvrent aujourd’hui.
Reste une question, pas si simple à régler : comment faire, maintenant que Dr House a quitté les écrans ? Comment croire encore à la possibilité de séries grand public aussi complexes, que ce médecin misanthrope incarnait valeureusement ? À l’époque des séries de niche, destinées à un public fractionné, ou des recettes répétées à l’infini, rien ne semble plus aléatoire que la possibilité de voir un nouveau Gregory House naître un beau matin et nous donner envie de regarder TF1 religieusement. Les miracles n’arrivent qu’une seule fois.
Olivier Joyard
Dr House, la fin, mardi 19 mars, 20 h 50, TF1
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