Les deux actrices et amies d’enfance Dolly Wells et Emily Mortimer signent une série anglaise (rachetée depuis par HBO) émouvante dans laquelle elles parodient leur relation, sur toile de fond d’une industrie du cinéma présentée comme une machine à séparer et isoler les êtres.
« Pourquoi est-ce qu’on ne créerait pas quelque chose ensemble ? Ecrire une pièce de théâtre ensemble ? Faire quelque chose ensemble, avoir une idée et la développer ? On pourrait aller écrire au bord de la mer, comme Virginia Wolf ! » Ce sont quelques phrases, lâchées dans l’obscurité par Emily Mortimer à sa meilleure amie Dolly Wells, qui résument Doll & Em, satire acide de leur propre vie.
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Avoir une idée et la développer : voilà exactement ce que ces deux actrices anglaises qui ont grandi ensemble à Londres ont fait. Le résultat est exquis. Dolly Wells joue la serveuse anglaise récemment séparée de son petit ami, qui cherche du réconfort auprès de sa meilleure amie, la célèbre Emily Mortimer. Un coup de fil plus tard (auquel Emily se permet de répondre alors qu’elle défile sur le tapis rouge aux côtés de Bradley Cooper), et Dolly rejoint Emily en Californie. Officieusement pour se reconstruire, officiellement pour devenir l’assistante personnelle de la star, en tournage outre Atlantique pour un nouveau film que l’on n’a pas le droit de présenter comme « un Parrain version femme ».
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Un rapport de force qui évolue constamment
Si « Em » assure à sa meilleure amie qu’elle ne devra pas se plier en quatre pour elle ou lui apporter son café tous les matins, elle lui précise tout de même qu’elle l’apprécie avec du lait, beaucoup de mousse et trois doses d’expresso, servi dans une tasse de taille moyenne, pas trop grande sinon il sera trop dilué.
L’occasion de montrer, dès les premières minutes de la série, l’ambigüité de la relation entre ces deux amies, fondée sur un amour inconditionnel mais établie sur d’innombrables non-dits. Si Dolly a du mal à s’adapter aux exigences d’Emily, le rapport de force s’inverse au fur et à mesure que la solitude de Mortimer prend de la place à l’écran. Terrifiée à l’idée de jouer faux et encore plus de vieillir, l’actrice ère de soirées en plateaux de tournage sans parvenir à nouer de lien avec ceux qu’elle rencontre.
Une superficialité dont d’autres personnages s’accommodent beaucoup mieux, à l’image d’un producteur qui récite la même tirade faussement lyrique à toutes les femmes qu’il essaie de se faire : « A chaque fois que je fais des soirées, mes amis deviennent des connaissances, et les connaissances deviennent des parfaits étrangers… »
Briser le silence pour endiguer la jalousie
L’arrivée de Dolly bouleverse ce petit monde, qui s’émerveille de sa fraîcheur aussi rapidement qu’il l’oubliera plus tard. Plus elle gagne en sympathie auprès des techniciens et des acteurs sur les plateaux de tournage, plus Emily Mortimer se retrouve reléguée au second plan, livrée à elle même car incapable de signaler clairement sa gêne à sa meilleure amie. Dans Doll & Em, la jalousie s’exprime avant tout dans les silences. La difficulté de conserver des liens d’amitié malgré les circonstances et le temps qui passe, elle, se manifeste dans les remarques piquantes et les discussions flottantes, toujours à la limite de la superficialité.
C’est grâce au sixième et dernier épisode de la saison que l’on comprend que Doll & Em n’est pas une parodie du système hollywoodien, comme l’est Episodes, la brillante comédie qui a permis à Matt LeBlanc d’effectuer son retour tant attendu avec succès. La série anglaise, d’abord diffusée sur Sky au Royaume-Uni puis rachetée par HBO, est une histoire d’amitié mise à l’épreuve des années qui passent.
Dans l’épisode 6, Em retrouve Dolly à Londres, des mois après que son tournage aux Etats-Unis s’est terminé, des mois sans s’être adressées la parole. L’ancienne assistante est redevenue serveuse, et s’épanouit dans les adaptations de pièces de théâtre dans lesquelles elle joue pendant son temps libre devant une poignée de spectateurs par soir. Em assiste à La Tempête de Shakespeare à la tombée de la nuit, assise sur les bancs d’un ferry bleu sur lequel se produisent Dolly et les acteurs amateurs, à quelques centimètres seulement du public. La révélation est totale : la passion de Dolly est sublime, la reconnaissance d’Emily est entière. Les deux amies se retrouvent enfin.
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