Il est beaucoup question d’émancipation pour les employés de l’agence artistique ASK. Tout comme pour la créatrice et scénariste en chef de la série, Fanny Herrero qui passe la main avec panache.
En trois saisons, Dix pour cent aura réussi rien moins qu’un exploit : passer du statut d’outsider intrigant des séries hexagonales – une comédie de prime time intelligente, ce n’était vraiment pas gagné – à celui de lieu de croisement singulier et décomplexé entre imaginaire du petit écran et figures majeures du cinéma français, passé et présent.
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Mise à part l’inaccessible Catherine Deneuve, qui avait d’ailleurs fréquenté les plateaux de la série américaine Nip/Tuck dix ans avant tout le monde, des stars de multiples origines ont intégré les locaux de ASK, l’agence artistique de la série de Fanny Herrero produite par l’ex-parangon du métier Dominique Besnehard.
On y aura retrouvé notamment Cécile de France, Line Renaud, Nathalie Baye, Audrey Fleurot ou Joey Starr dans la première saison ; Virginie Efira, Ramzy Bédia, Fabrice Luchini, Norman Thavaut, Guy Marchand, Isabelle Adjani ou encore Juliette Binoche dans la deuxième.
Une salve d’épisodes sautillants et aboutis
Cette année, le niveau ne baisse pas, on peut même dire qu’il monte potentiellement puisque Jean Dujardin, Monica Bellucci, Gérard Lanvin, Pierre Niney, Béatrice Dalle et Isabelle Huppert font don de leur image et plus si affinités.
Avec le temps et les succès, Dix pour cent aurait pu s’embourgeoiser, exhiber tranquillement ses prises dans des positions plus ou moins embarrassantes et ironiques. C’est pourtant la dernière pensée qui vient à l’esprit devant cette salve d’épisodes sautillants et aboutis, qui a pour premier mérite de prendre toujours autant au sérieux son sujet profond.
Qui raconte des histoires et comment ? Comment naissent-elles, de quelles folies ? Que font ces folies aux hommes et aux femmes qui les portent ? Plus que jamais, Dix pour cent travaille sa fascination pour un monde en voie de disparition (la star de cinéma comme espèce d’un autre monde) tout en maintenant fièrement son statut de “pure” série centrée sur des personnages et un esprit de soap sophistiqué. Le mélange des imaginaires n’implique pas le mélange des genres.
Les adieux émouvants de Fanny Herrero à la série
C’est notamment ce que l’on pense devant l’un des sommets de la saison, le quatrième épisode, où Isabelle Huppert jonglant entre deux (voire trois) tournages est révélée comme jamais dans le cadre d’une fiction grand public : son extrême intellectualité et sa totale spontanéité, son désir de contrôle et sa capacité d’abandon, son humour et sa dureté, se trouvent ramassés de manière saisissante avec autant de pertinence que dans un film de Hong Sang-soo. Il n’est plus question d’ironie – même si c’est très drôle – mais d’une véritable plongée dans la chair du cinéma et des représentations.
Dans le dernier épisode de la saison, la scénariste principale, Fanny Herrero, se met en scène lors d’une fête, parlant à Jean Dujardin. Elle lui dit quelques mots : “Je suis scénariste, j’écris des séries d’égal.e à égal.e.” Presque invisible à l’œil nu, le moment se révèle particulièrement émouvant, comme s’il aidait à mesurer le chemin parcouru pour faire entendre une voix et celle d’une génération d’auteur.e.s.
La séquence fait également office de cérémonie d’adieux pour la quadragénaire qui a décidé de quitter la direction de Dix pour cent à la fin de cette saison. La suivante, probablement la dernière, a été confiée à d’autres. Une page se tourne.
Une forme d’aboutissement avant l’ultime saison ?
Le désir d’émancipation plus ou moins contrarié par la réalité se trouve d’ailleurs au cœur de cette saison quand elle s’intéresse à l’agence, où Andrea, Mathias et les autres se frottent à la question du départ. Dans les deux derniers épisodes, même si les stars restent présentes – Béatrice Dalle a droit à un monologue très fort sur son rapport à la nudité –, les personnages récurrents occupent le premier plan.
La série est rendue à leurs aventures de plus en plus incarnées et à leur sens du groupe. Quelques facilités ne doivent pas faire oublier l’essentiel : cette troisième saison de Dix pour cent travaille à la fois le burlesque qui l’a toujours faite avancer et la vérité profonde des uns et des autres. Du point de vue dramaturgique, il s’agit d’une forme d’aboutissement. On souhaite bon courage à ceux qui prendront la suite.
Dix pour cent Saison 3, sur France 2 et en replay
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