Dans une agence artistique parisienne, entre contrats à négocier et caprices de stars, se niche Dix pour cent, la comédie française qu’on n’attendait plus.
Les geeks de l’actu séries en France attendaient Dix pour cent depuis des lustres. Dans la foulée de l’inespéré succès de Clara Sheller en 2005, le scénariste Nicolas Mercier avait fait équipe avec l’ex-agent le plus célèbre de France, Dominique Besnehard (devenu producteur) pour imaginer une comédie dans le milieu des agents artistiques. Vers 2008, un scénario nommé 10 % – nuance, nuance – traînait dans les bureaux de Canal+, qui finit par abandonner le projet.
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Sept ans plus tard, revoici la bête, ressuscitée et entièrement relookée par France 2 sous les auspices de la talentueuse scénariste Fanny Herrero – Dominique Besnehard reste producteur – avec Cédric Klapisch à la réalisation de trois épisodes. Joie, le résultat n’a rien d’une momie surmaquillée, mais tout de la meilleure surprise sérielle de l’année.
Fonction de l’ombre
L’action gravite, virevoltante, autour d’une petite bande mi-joyeuse, mi-épuisée dans les bureaux d’ASK – pour Agence Samuel Kerr. En échange d’un pourcentage (faut-il préciser lequel ?) sur les cachets des acteurs et actrices dont ils ont la charge, Andréa, Gabriel, Mathias et Arlette les accompagnent dans leurs recherches de rôles et négociations avec réalisateurs et productions.
Une fonction de l’ombre qui rime avec nounou, compagnon de mélancolie, père fouettard ou esclave, selon les circonstances. Autant dire une bonne dose de pain bénit narratif, pimentée par la présence à chacun des six épisodes d’une ou plusieurs stars invitées.
Réalisme tordu
De Cécile de France à François Berléand, en passant par Nathalie Baye et Laura Smet (en duo, pour la première fois), sans oublier… Julie Gayet et une poignée d’autres, toutes acceptent l’autodérision et donnent aux six épisodes une part de glamour et de réalisme tordu.
Dans l’espace fictionnel de Dix pour cent, le cinéma devient à la fois un horizon admirable, plein de nostalgie, et un vieil oncle un peu chieur. Ses représentants n’écrasent pas pour autant les héros, les vrais personnages de série en somme, ceux qui restent jour et nuit avec leur portable ouvert et ne rêvent pas assez de leur propre vie.
Amours compliquées
Ces derniers sont les plus intéressants qu’une fiction grand public française nous ait offerts depuis longtemps. La clé de cette réussite ne se trouve pas forcément dans les enjeux qu’ils traversent, solides et néanmoins classiques (une relation filiale contrariée, des amours compliquées, une menace de rachat), mais dans la manière dont ceux-ci sont amenés et incarnés.
Cela s’appelle le style. Dix pour cent en a beaucoup, grâce à une écriture capable de rendre sexy la moindre réunion chiante et de transformer une engueulade déjà vue en moment culte, dans un exercice de démontage des clichés systématique.
Humour queer
Portée par une bonne dose d’humour queer – le personnage d’Hervé (incroyable Nicolas Maury) y est pour quelque chose –, s’autorisant une héroïne lesbienne et désagréable, mais capable également de ressembler à une comédie majoritaire telle qu’on n’osait plus en rêver, Dix pour cent a l’avantage de nous laver les yeux des nombreuses inepties hexagonales soi-disant funny vues à la télé ou au cinéma récemment, où les mondes s’opposent toujours, enlisés dans leur propre caricature – riches/pauvres, Blancs/Noirs, etc.
Si elle n’aborde pas tous les sujets qui fâchent (notamment l’état économique du cinéma d’auteur, passé sous silence), nous voilà devant un objet libre, sexué, moderne. Pour mener la troupe, Camille Cottin s’avère un choix osé mais payant. La “connasse”, dont on imaginait les compétences limitées au malaise et à l’arrogance, se révèle comme une actrice habitée. Du genre que les agents doivent s’arracher.
Dix pour cent à partir du 14 octobre, le mercredi, 20 h 40, France 2
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