La sixième saison des aventures du serial-killer de Miami est parfois très poussive. Mais ceux qui la regarderont jusqu’au bout seront récompensés.
La routine est parfois l’auxiliaire perverse de notre amour des séries. Retrouver les mêmes visages et gestes chaque saison agit comme une agréable pommade fictionnelle. Mais cette pommade peut nous endormir les yeux. Le cas Dexter est assez parlant. Voilà maintenant six ans que le serial-killer/flic/ enfant perdu de Miami hante les écrans mondiaux. Le diagnostic objectif sur ses états de service paraît assez clair : en baisse.
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On pourrait dater la fin symbolique de la série aux dernières images extraordinairement choquantes de la quatrième saison. Dexter y retrouvait son fils de quelques mois dans une mare de sang, près de sa mère morte, dans la même posture que lui une trentaine d’années plus tôt. Une scène primitive en remplaçait une autre. La boucle se refermait, un monde plus noir que noir allait exister hors champ. Une fin de série parfaite. A ce détail près que Dexter a continué, succès oblige.
Nous en sommes maintenant à la sixième saison. Depuis cet épisode mythique, l’adaptation des romans de Jeff Lindsay a connu quelques turbulences en interne. L’ancien et brillant showrunner Clyde Phillips (qui n’a pas fait de cadeau à son successeur avec une conclusion aussi brutale) a été remplacé par Chip Johannessen, lui-même évincé au profit de Scott Buck. Un ressort s’est brisé, au point que l’on peut légitimement se demander si la série ne survit pas uniquement par la force de l’habitude.
Elle n’est ni la première (Urgences a connu une lente descente durant ses sept dernières saisons), ni la dernière. Et cela n’empêche apparemment personne de la regarder. Par fidélité absolue ? Pour vérifier que Dexter n’est plus ce qu’elle était ? Par certains aspects, la sixième saison que diffuse Canal+ est embarrassante.
A force d’être usées jusqu’à la corde, certaines figures narratives classiques qu’a employées Dexter depuis ses débuts se mettent à sonner bêtement creux. La voix off introspective du héros, par exemple, a perdu de son caractère glaçant et ambigu pour servir de béquille aux scénaristes : ils l’utilisent pour expliciter ce qu’ils n’ont plus la force de suggérer. Le monologue permanent du beau gosse devient lassant, alourdi cette année par une thématique mystique peu subtile.
D’autre part, tout ce qui raccroche Dexter aux séries policières classiques, et qu’elle avait pris l’habitude de détourner avec un vrai sens du jeu, devient simplement banal. La faiblesse des méchants carnavalesques de cette saison six n’en ressort que plus tristement. Les sanguinaires “Tueurs de l’Apocalypse” peignent puis reproduisent des tableaux bibliques dans la vraie vie. Autant dire que ce sont des tableaux pompiers.
Alors, pourquoi continuer à garder les yeux ouverts devant une installation fictionnelle qui s’autodétruit ? Par goût pour la décadence, peut-être. Pour quelqu’un d’autre que le héros essoufflé, sans doute. Debra Morgan (Jennifer Carpenter) est une fille craquante, sœur de l’adopté Dexter. Elle est flic dans la même unité que son frère. On l’adore depuis toujours parce qu’elle ne peut pas s’empêcher de dire “fuck” au moins une fois par phrase et qu’elle porte en elle une tristesse insondable.
Elle a l’étoffe d’un vrai personnage de série : en plus d’être la même, plan après plan, elle entame une transformation profonde au fil du temps. Jusqu’à se révéler à elle-même. C’est ce qui arrive ici dans des proportions passionnantes, que les lois anti-spoilers nous empêchent de détailler. Disons que Debra est celle qui nous aide à rester éveillé jusqu’aux dernières images renversantes de cette saison six. Et celle qui nous pousse à attendre la suivante en tremblant. Malgré tout.
Olivier Joyard
Dexter saison 6. A partir du 1er mars à 20 h 50 sur Canal+
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